La Société de transport de Laval (STL) a franchi un pas déterminant vers l’électrification complète des services aux usagers en annonçant mercredi l’agrandissement de ses installations d’entretien et l’aménagement de 145 places dédiées exclusivement à l’entretien et à la recharge des autobus électriques. Mais il lui reste encore bien des pas à franchir avant de pouvoir le remplir.

Ce projet majeur d’infrastructures de 246 millions, financé à 85 % par Québec et Ottawa, va doubler l’espace réservé à l’entretien des autobus, hybrides comme électriques, et permettra de raccorder le centre administratif de la société à ses installations industrielles pour former un seul grand complexe corporatif à l’angle de la rue Cunard, avec entrée principale sur l’avenue Francis-Hughes.

Équipé d’entrées électriques d’une puissance totale de 20 mégawatts (quatre fois celle du Centre Bell, selon la STL), le nouveau complexe sera opérationnel à compter de 2025, mais ne fonctionnera à capacité que beaucoup plus tard. La STL ne possède présentement que 10 bus électriques du fabricant New Flyer, achetés en 2019, et les 135 autres baies de service se rempliront au rythme des remplacements des véhicules hybrides actuels qui arriveront en fin de vie utile.

Ça va prendre des années. Et ça tombe bien, parce que la STL n’en aura pas de trop pour apprendre à connaître ces grosses bêtes, qui roulent propre, mais qui posent toutes sortes de défis opérationnels sur le plan de la gestion, de la livraison des services aux usagers et (évidemment) sur le plan énergétique.

De la mitaine à l’inconnu

Alexandra Gallo en sait quelque chose. Chargée de projets à la STL, elle a présidé à la mise à l’essai, aux tests sur route sans passagers, ou sur surface glacée et enneigée, et aux expériences de « gestion de la charge » électrique qui ont précédé, deux ans durant, la mise en service des 10 autobus New Flyer avec passagers, à l’été 2021. Le premier constat est le plus évident : les autobus électriques font la même chose que les autobus hybrides conventionnels, sur la route. Quand ils entrent au garage, c’est une autre histoire.

« Un autobus hybride rentre au garage, on remplit le réservoir de carburants selon une procédure que tout le monde connaît, et ça prend quelques minutes. Pour amener un bus électrique à 90 % de sa charge, ça prend trois heures et demie. Et ça, ce n’est rien. Il y a aussi tout l’écosystème technologique qui vient avec ça, pour supporter les opérations, et qui est encore en constante mutation. »

Les autobus, les batteries, les bornes de recharge, les pantographes sont tous des composantes du domaine émergent des transports électriques qui demandent à être comprises et apprivoisées. Pendant deux ans, explique Mme Gallo, c’est à la mitaine qu’on a géré les tests, les affectations de parcours, les entrées et sorties, les limites d’autonomie et les temps de réalimentation des autobus électriques New Flyer, pour mettre en place le processus de recharge le plus efficace possible sur le plan opérationnel, tout en étant le moins gourmand possible en consommation d’électricité.

Avec 10 autobus, ça peut aller. Mais on ne peut pas gérer un parc de plus de 100 véhicules comme ça.

Une autonomie à améliorer

« On ne sait pas encore comment le faire à grande échelle, admet le directeur général de la STL, Guy Picard, mais on travaille là-dessus. Ça va être un gros apprentissage, surtout la gestion de la charge qui est très complexe. Présentement, il n’y a pas de système mature sur le marché pour gérer une flotte de véhicules d’importance. Il y a des entreprises qui travaillent sur la mise au point de logiciels pour faire cela. En attendant, il faut déterminer comment on va gérer ces autobus » en fonction des besoins des usagers et des limites d’autonomie actuelle des véhicules.

Selon le directeur général, des autobus hybrides rentrent au garage en fin de journée après avoir accumulé 400 km au compteur, sans interruption, sur une grosse ligne de la STL. Avec une autonomie affichée de 250 km, les bus électriques New Flyer actuels de la STL ne peuvent pas faire cela. D’autant plus, dit M. Picard, que l’expérience acquise avec la mise en service de ces premiers bus électriques révèle que leur autonomie réelle, sur une charge pleine, est plutôt de 180 km. « Un peu moins en hiver », précise le dg.

Techniquement, ça prendrait donc plus que deux autobus électriques pour assurer le même niveau de service qu’un seul autobus hybride sur ce parcours de 400 km. « Oui, mais ce n’est pas cela qui va arriver, assure M. Picard. Les batteries vont devenir plus performantes, leur autonomie va s’améliorer. En s’adaptant aux évolutions technologiques, on va devenir plus agile pour planifier leur utilisation en service, et savoir à quel moment il est mieux de les recharger, combien à la fois ? Sur le plan opérationnel, c’est un beau défi ! »

Un défi énergétique

L’autre défi majeur qui attend le STL sera d’ordre plus technique, et hautement complexe : gérer la consommation d’électricité d’un garage où plus d’une centaine de véhicules sont branchés en même temps sur la recharge.

« Même si chaque autobus a son pantographe [dispositif de recharge sur le toit], un système de gestion de la charge va faire en sorte que les véhicules vont se recharger à tour de rôle durant la nuit, et assurer qu’ils aient un niveau de charge suffisant pour assurer les services prévus aux usagers, le lendemain matin », dit Frédéric Aspirot, dit le directeur des projets majeurs à la STL et responsable du projet de garage.

L’alimentation du complexe sera assurée par deux puissantes lignes souterraines reliées à des postes de distribution distincts, opérant à la moitié de leur capacité, explique M. Aspirot. En cas de non-disponibilité d’un poste, il sera possible de continuer à opérer en basculant l’alimentation sur l’autre ligne, capable de répondre à la demande énergétique du garage.