Lorsqu’elle enfourche son vélo-cargo pour reconduire ses deux filles à la garderie à un kilomètre de chez elle, Laura Pedebas se dit qu’elle fait d’une pierre trois coups.

« Je fais de l’exercice, je fais diminuer mes coûts de transport et je ne pollue pas », note la mère de famille de Granby.

L’été dernier, Mme Pedebas a été surprise de recevoir un appel de la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) lui disant qu’une visite aurait lieu chez elle le lendemain.

« On ne savait pas de quoi il s’agissait, on ne comprenait pas », dit-elle.

À leur arrivée, les représentants de la DPJ lui ont dit que le signalement concernait un « transport dangereux » d’enfants.

« Je crois qu’ils s’attendaient à trouver une boîte en bois bricolée après un vélo. Quand ils ont vu mon vélo-cargo, ils ont compris et mis fin au signalement. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Laura Pedebas installe l’une de ses deux filles dans son vélo-cargo.

Survenu en août 2021, l’épisode a mis Mme Pedebas en colère, même si elle note que la personne qui a fait le signalement anonyme n’était sans doute pas mal intentionnée.

Je crois être la seule à Granby à avoir un vélo-cargo. Les gens ne connaissent pas ça, alors ça étonne.

Laura Pedebas

Au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie, on indique ne pas pouvoir faire de commentaires. « En vertu de la loi, les signalements sont confidentiels. Nous ne pouvons donc ni confirmer ni infirmer cette information », note Marie-Ève Nadeau, conseillère en communication.

Manque d’infrastructure

Au moment où les déplacements actifs sont plus populaires que jamais, les gens qui se déplacent à vélo au quotidien dans les régions du Québec ont parfois l’impression de ne pas avoir de place sur la chaussée consacrée exclusivement aux véhicules motorisés.

Pourtant, l’intérêt pour le vélo au quotidien est là, à commencer par les enfants, qui voudraient aller à l’école, à la bibliothèque ou tout simplement chez leurs amis à vélo, dit Mme Pedebas, autrice du blogue La Cyclonomade et qui a réalisé plusieurs grands voyages à vélo dans le monde.

Le plus irritant est le manque d’infrastructures cyclables séparées de la circulation motorisée, dit-elle.

L’autre jour, nous avons interdit à ma fille de faire du vélo parce qu’il y avait trop de voitures. Elle nous a répondu : “Pourquoi il y a de la place pour les voitures, mais pas pour mon petit vélo ?”

Laura Pedebas

Julie Bourdon, mairesse de Granby, dit être sensible à ces préoccupations. « Oui, il y a des améliorations à faire à Granby », convient-elle en entrevue téléphonique.

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Julie Bourdon, mairesse de Granby

La piste cyclable régionale l’Estriade, qui passe par Granby, est un immense succès, avec plus d’un million de passages par année, dit-elle.

L’objectif de Granby est de se doter d’un plan de mobilité active et que chaque personne puisse à terme avoir accès à une piste cyclable à 500 mètres de chez elle, dit Mme Bourdon.

« On aimerait que les gens puissent se rendre au travail ou dans des services de proximité à vélo de façon sécuritaire. À Granby, on a des boulevards hyper larges. Est-ce qu’on pourrait mettre des pistes temporaires l’été prochain pour avoir un meilleur réseau cyclable ? C’est ce qu’on regarde. »

Prioriser le transport actif

Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec, note que les villes doivent souvent se tourner vers le gouvernement provincial pour trouver du financement.

« Le ministère des Transports (MTQ) alloue moins de 50 millions pour les programmes de transport actif, et on aimerait voir ce montant passer à 100 millions, même si ça reste une fraction du budget du MTQ », dit-elle.

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Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec

Autre problème : les routes qui traversent les cœurs des municipalités sont généralement sous la supervision du MTQ.

« C’est une énorme épine dans le pied des municipalités. Elles voudraient faire de l’apaisement de la circulation, aménager des pistes cyclables, mais la priorité du MTQ est d’avoir une route fluide, d’accommoder le transport lourd. »

Le fait que relativement peu de personnes se déplacent à vélo au quotidien dans les villes et villages du Québec ne veut pas dire que la demande n’est pas là, précise Mme Bebronne.

On n’évalue pas les besoins de faire un pont en comptant le nombre de personnes qui traversent à la nage. Si le réseau est sécuritaire, les gens vont l’emprunter.

Magali Bebronne, directrice des programmes à Vélo Québec

« On l’a vu rue Saint-Denis, à Montréal, où peu de cyclistes allaient, mais qui enregistre aujourd’hui plus d’un million de passages par an. »

Laura Pedebas n’attend pas des pistes cyclables pour rouler à vélo à Granby.

« C’est mon principal mode de déplacement. Les gens me voient un peu comme une extraterrestre, mais généralement, les réactions sont positives. »

En savoir plus
  • 800 000 
    Nombre de personnes qui utilisent le vélo comme moyen de transport au moins une fois par semaine entre mai et septembre au Québec
    Vélo Québec, 2020