Les espaces gazonnés qui abondent en banlieue pourraient être de riches « filets de biodiversité » s’ils étaient un peu plus diversifiés. Salaberry-de-Valleyfield tente de changer « les codes de la pelouse » et mobilise les enfants pour former une escouade de semeurs.

Sans pollinisateurs, il n’y aurait pas de Nutella.

Les enfants ont tout de suite compris, avec cette illustration concrète de Magali Joube, l’importance de la biodiversité, sans laquelle le cacao qui entre dans la fabrication de la célèbre tartinade n’existerait pas.

La classe de troisième année de « monsieur Sébastien », à l’école Sainte-Agnès, assistait à la présentation de la conseillère en communication de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, par un matin pluvieux de juin.

« À quoi sert la biodiversité ? », leur a-t-elle demandé.

« À rendre la nature plus forte », a résumé la petite Alice, 8 ans.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Magali Joube, conseillère en communication à la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, anime des ateliers et distribue des semences de plantes indigènes dans les écoles pour accroître la biodiversité dans la ville.

Mais cette force vient, comme son nom l’indique, de la variété des espèces, qui est parfois pauvre dans les milieux urbains.

Pour y remédier, la Ville de Salaberry-de-Valleyfield veut enrichir l’espace vert le plus commun en banlieue : la pelouse.

Et pour y parvenir, elle met les enfants à contribution, en animant dans les écoles des ateliers et en y distribuant un mélange de semences de trèfle, de lotier et d’achillée millefeuille, des plantes indigènes.

« Si vos parents sont d’accord, vous allez pouvoir ensemencer votre terrain », leur a-t-elle annoncé.

Cercle vertueux

Salaberry-de-Valleyfield souhaite ainsi créer un « filet de biodiversité », des espaces contigus qui ont une forte valeur écosystémique.

Car la tourbe (le gazon précultivé) qui est déroulée massivement en zone urbaine est généralement faible en biodiversité, explique Magali Joube.

« C’est une monoculture », plus précisément de pâturin du Kentucky (Kentucky Bluegrass), le véritable nom de l’immaculé gazon.

Le trèfle, le lotier et l’achillée millefeuille qu’on y ajoute apporteront quelques fleurs qu’apprécieront les pollinisateurs et fixeront l’azote pour enrichir le sol.

« Il y a tellement de potentiel, tous les terrains privés peuvent avoir une forte valeur écosystémique », s’enthousiasme Magali Joube, qui précise que la tonte du gazon peut être maintenue, espacée ou abandonnée, selon le souhait de chacun – et si la réglementation municipale le permet !

L’augmentation de la diversité végétale a un impact sur la diversité et le volume d’insectes et de la faune, dit-elle.

C’est un cercle vertueux.

Magali Joube

L’idée de ce projet, baptisé « Semer la biodiversité », est née du constat que les conférences sur le sujet attiraient un public déjà intéressé par ces questions.

« On prêchait à des convertis, il faut s’adresser à un public plus large », déclare Magali Joube à La Presse, après sa présentation.

« Les enfants ont une curiosité naturelle, et ce sont de futurs citoyens, dit-elle. On les rend acteurs. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Magali Joube remet des semences de trèfle, de lotier et d’achillée millefeuille à Alice Arseneau, sous l’œil de son enseignant Sébastien Daoust-Charest.

Montrer la voie

Une quarantaine de classes de trois écoles primaires des dix que compte Salaberry-de-Valleyfield ont été visitées en cette première année du projet « Semer la biodiversité ».

Mais diversifier son gazon est moins simple qu’il n’y paraît, car les semences de plantes indigènes sont difficiles à trouver ; la Ville a dû faire fabriquer par une entreprise spécialisée le mélange qu’elle distribue.

« Les gens en demandent, mais c’est difficile à trouver », dit Magali Joube, qui explique que la Ville veut peser de tout son poids pour « être un leader » afin d’inciter l’industrie à bonifier son offre.

La démarche ne n’arrête d’ailleurs pas au gazon ; Salaberry-de-Valleyfield utilise désormais les plantes indigènes dans ses aménagements paysagers.

« La vertu des aménagements indigènes, c’est qu’à maturité, ils sont autonomes », ce qui se traduit par des économies, souligne-t-elle.

Plus les gens en demanderont, plus les villes en commanderont, plus l’industrie en offrira, souhaite-t-elle.

« Acheter, c’est voter », rappelle Magali Joube, qui souligne que Salaberry-de-Valleyfield partage le matériel de son projet sur son site internet pour qui voudrait s’en servir.

Une correction à la légende de la photo principale de ce texte a été apportée. Il y était indiqué que la fleur qu’on y voit est de l’achillée millefeuille. Or, il s’agit de lotier corniculé.

Consultez la documentation de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield
En savoir plus
  • 8,7 millions
    Nombre d’espèces vivantes sur terre, selon une étude réputée
    source : Census of Marine Life