L’hôpital de piste est prêt ! Des médecins et infirmières ont recréé de véritables urgences en bordure du circuit Gilles-Villeneuve. Ils sont prêts à traiter des pilotes victimes d’un accident grave autant que des spectateurs atteints d’un coup de chaleur ou d’une intoxication à l’alcool.

« On traite tout le monde », lance l’urgentologue François Scarborough, codirecteur de l’hôpital de piste. « Pour des raisons pratiques, les cas mineurs sont envoyés à la clinique du public, mais si quelqu’un fait un infarctus, on nous l’amène ici », explique celui qui travaille bénévolement pour le Grand Prix du Canada depuis une quinzaine d’années.

L’urgentologue est entouré d’une large équipe de l’hôpital du Sacré-Cœur : des infirmières, des inhalothérapeutes, des anesthésistes, des orthopédistes, des neurochirurgiens, des chirurgiens plastiques… Ils ont aménagé une salle de réanimation – une réplique exacte – dans la tour Pirelli, là où se donnait anciennement le départ de la course, à la sortie de l’épingle.

« Le nombre de personnes qu’on traite dépend beaucoup de la température », affirme le DScarborough pendant qu’il enfile une combinaison ignifugée pour vérifier sa taille.

Il y a plein de gens qui ont des troubles cardiaques ou pulmonaires. Leur état est habituellement stable, mais avec la température de la piste qui monte jusqu’à 40 °C, parfois 50 °C quand il fait chaud, et lorsqu’ils s’hydratent avec de la Molson, il y en a qui décompressent.

Le Dr François Scarborough, urgentologue

Les médecins et infirmières de l’hôpital temporaire se souviennent tous de la mort d’un travailleur, en 2013. La course de Formule 1 venait de se terminer, les spectateurs quittaient l’île Notre-Dame, mais le bénévole s’est fait happer par une remorqueuse. Il a été transporté à l’hôpital de piste, puis transféré par hélicoptère vers Sacré-Cœur où son décès a été constaté.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Intervention de l’équipe médicale, en 2013. Un bénévole est mort dans un accident après la course.

Le DPierre Fiset, codirecteur de l’hôpital de piste, cite également l’arrêt cardiaque du pilote de Formule 1600 et animateur à RDS Didier Schraenen, en 2010. Ce dernier s’est effondré au sol dans les puits de ravitaillement. « Il a été transporté en hélicoptère vers Sacré-Cœur où il était attendu par un cardiologue. Il a passé un électrocardiogramme, une coronographie, on lui a mis des stents [endoprothèses] et bonjour la visite ! Il est tombé à 11 h 15 et à 13 h 15, il était sorti du trouble », raconte l’anesthésiste passionné de Formule 1.

Je pense que c’est Stéphane Laporte qui disait que le meilleur endroit pour tomber malade pendant le week-end du Grand Prix, c’est ici. Il n’y a pas d’attente pour voir un médecin.

Le Dr Pierre Fiset, anesthésiste

Il reste que les médecins soignent peu souvent des pilotes de Formule 1 pendant la fin de semaine. « Là où on est susceptibles d’avoir plus d’ouvrage, c’est avec les petites formules, les courses secondaires [Coupe Nissan Sentra, Challenge Ferrari, F1600] », précise le DFiset. Après deux ans de pause à cause de la pandémie, les inscriptions sont plus nombreuses cette année, note-t-il. Les pilotes sont aussi moins expérimentés qu’en Formule 1 et leurs véhicules sont moins sécuritaires.

Pas de course sans hélicoptère

En plus du personnel bénévole mobilisé à l’hôpital de piste et à la clinique du public, cinq équipes médicales sont postées aux puits de ravitaillement. Des rescues sont aussi dispersés autour de la piste. Ce sont les seuls spécialistes formés pour sortir un pilote de sa Formule 1, en cas d’accident.

« Veux-tu voir une formation de rescue ? Viens dans ma voiture », nous lance tout de go le DFiset qui doit pourtant répondre à mille et une questions de bénévoles. Le médecin roule le long du Bassin olympique et s’arrête devant un petit édifice brun. À l’intérieur, une trentaine de personnes (des médecins, des infirmières, des inhalothérapeutes) s’exercent à immobiliser un pilote, à lui retirer son casque sans bouger son cou et à le sortir de son cockpit à l’aide de sangles. Le siège sert de planche dorsale.

En après-midi jeudi, des responsables de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) ont d’ailleurs vérifié et chronométré leurs manœuvres. Les médecins et infirmiers ont aussi participé à deux simulations dans le courant de la journée. Ils ont eu du temps pour s’entraîner à embarquer une civière dans un hélicoptère.

Photo fournie par le CIUSSS du NOrd-de-l’Île-de-Montréal

Une équipe s’exerce à transporter une personne pour un transfert en hélicoptère.

« Ça prend toujours un hélicoptère sur le site, sinon les courses seront carrément arrêtées, explique Michael Pilote, chef pilote chez Airmedic. On a donc un hélicoptère sur le site et un autre à Saint-Hubert. Dès qu’un patient va embarquer dans l’hélicoptère, celui à Saint-Hubert va décoller pour prendre la place du premier pour qu’il n’y ait jamais de découverture. »

C’est la FIA qui exige la présence d’un hélicoptère-ambulance, souligne le DScarborough. « Transporter un cas sérieux par la route, ce serait inimaginable. Il y a plus de 100 000 personnes sur l’île Notre-Dame. Ce serait dangereux et ça amènerait des délais trop longs », explique celui qui se fait surnommer Scarby par ses pairs.

Et, docteurs, pour terminer, qui va gagner le Grand Prix ? Le cœur des deux médecins penche pour le Monégasque Charles Leclerc.

« Mais je m’en sacre un peu de qui va gagner, précise le DFiset. Moi, c’est ça que j’aime, c’est d’être avec toute cette gang-là, cette gang de gens vraiment dévoués. »