(Québec) L’annonce du projet « géoLAGON », vaste lotissement de 600 unités d’habitation autour d’une énorme piscine chauffée, fait des vagues dans Charlevoix et suscite l’inquiétude de plusieurs élus.

Au moins une mairesse a même décidé de prendre position publiquement contre ce projet. Elle espère que sa sortie va susciter une discussion sur l’avenir de cette région prisée des touristes.

« C’est la première fois dans ma carrière politique que je me prononce contre un projet. C’est la première fois. Mais là, ça ne passe pas. C’est inacceptable, à mon avis », lance en entrevue l’ancienne préfète et actuelle mairesse de Saint-Urbain, Claudette Simard.

Le préfet actuel de la MRC de Charlevoix se dit quant à lui « un peu surpris de la façon dont ç’a été annoncé ». Pierre Tremblay, maire des Éboulements, tient à garder une certaine réserve, puisqu’il est préfet. Mais ce projet suscite selon lui des « questionnements » et mérite d’être discuté entre élus locaux.

L’annonce du 7 juin dernier a surpris bien des Charlevoisiens. Ce jour-là, le promoteur du géoLAGON a annoncé son intention de construire à terme 300 chalets doubles à Petite-Rivière-Saint-François. Ces 600 unités seraient destinées en partie à la location à court terme de type Airbnb.

Le promoteur promet la construction d’un « lagon » sur le terrain, qui est bordé par la route 138 et une ligne à haute tension d’Hydro-Québec, dans l’axe de la rue Principale. Cette piscine hors terre et peu profonde doit être chauffée toute l’année à 38 °C grâce à un mélange d’énergies propres, mais sera quand même reliée au réseau électrique. La technologie est sur le point d’être brevetée, toujours selon le promoteur.

IMAGE FOURNIE PAR GÉOLAGON

Le lotissement ne serait pas au cœur du village, mais plutôt juste au nord de la route 138.

« On veut démontrer qu’on est capable de créer un village de 2000 personnes, complètement autonome avec l’énergie du soleil et de la terre », explique en entrevue Louis Massicotte, qui a des projets similaires dans les Laurentides (à Sainte-Adèle), en Estrie et dans Lanaudière.

Le jour de l’annonce, la municipalité a déclaré accueillir le projet « avec enthousiasme », les conseillers étant « enchantés ».

« Il y a de l’inquiétude »

Le projet n’a toutefois pas été reçu aussi bien par tous les citoyens.

« Il y a de l’inquiétude dans la population, et pas juste à Petite-Rivière, même à Baie-Saint-Paul », indique le maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote.

Je ne suis pas le maire de Petite-Rivière, mais comme tout le monde, ça éveille chez moi des préoccupations en matière d’environnement, mais aussi à propos de la préservation du cachet de Charlevoix. On est une réserve de la biosphère de l’UNESCO. On a des préoccupations.

Michaël Pilote, maire de Baie-Saint-Paul

Il pense que ce projet devra faire l’objet de discussions au conseil des maires de la MRC. La question est simple : « À quoi on veut que Charlevoix ressemble dans le futur ? », demande M. Pilote.

La mairesse de Saint-Urbain raconte avoir été « assommée » par le communiqué de Petite-Rivière-Saint-François.

« Nous travaillons en collaboration avec Petite-Rivière depuis de nombreuses années pour réaliser des projets d’envergure incroyables pour la municipalité », dit Claudette Simard, en référence notamment à la station Le Massif ou à l’ouverture d’un Club Med.

« Et là, ce projet arrive, la MRC n’est même pas informée, même pas consultée, déplore l’élue. La réglementation leur permet peut-être de faire un tel projet, mais il me semble qu’il aurait fallu en discuter ensemble. »

« On n’a pas besoin de ça »

Elle se demande si ce projet est « nécessaire ». « On n’a pas besoin de ça. Ce dont on a besoin dans notre région, c’est d’accueillir de nouveaux arrivants, d’avoir des travailleurs, des logements… c’est ce que je pense. Je parle avec mon cœur. Ça me dépasse. Je suis vraiment déçue. »

L’ajout de ces 300 chalets doubles n’est pas banal pour la municipalité de quelque 810 habitants. Juste avant les dernières élections municipales, la municipalité estimait que 300 maisons avaient été bâties sur son territoire en… 12 ans. Ici, le promoteur espère ériger 600 unités en quelques années.

  • À terme, ce sont 300 chalets doubles préfabriqués que veut installer le promoteur à Petite-Rivière-Saint-François.

    IMAGE FOURNIE PAR GÉOLAGON

    À terme, ce sont 300 chalets doubles préfabriqués que veut installer le promoteur à Petite-Rivière-Saint-François.

  • À terme, ce sont 300 chalets doubles préfabriqués que veut installer le promoteur à Petite-Rivière-Saint-François.

    IMAGE FOURNIE PAR GÉOLAGON

    À terme, ce sont 300 chalets doubles préfabriqués que veut installer le promoteur à Petite-Rivière-Saint-François.

1/2
  •  
  •  

Le maire de Petite-Rivière-Saint-François veut rassurer les opposants : son soutien au projet est conditionnel à l’obtention de tous les permis nécessaires par le promoteur et à sa conformité au schéma d’aménagement.

« Mais [le promoteur] a commencé sa publicité, la promotion pour vendre ses terrains. Là, les gens ont comme compris qu’on avait donné l’aval final, explique Jean-Guy Bouchard. Mais ce n’est pas le cas. Il doit franchir toutes les étapes, et c’est ce qu’il fait. »

Sur son site, le promoteur a indiqué avoir prévendu depuis mardi près de 60 % des 150 chalets doubles locatifs de la première phase du projet.

Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec (MELCC) n’est pour l’instant pas en mesure de dire si le « géoLAGON », qui doit avoir une superficie de 120 000 pieds carrés, aura besoin d’un permis. « Le MELCC n’a reçu aucune demande d’autorisation et n’a pas été informé directement de ces projets », indique une porte-parole.