La Ville peut l’exiger lorsqu’elle considère un animal comme étant potentiellement dangereux, maintient le tribunal

Même si un propriétaire fait tout pour garder son chien, la Ville peut euthanasier ce dernier si elle le juge dangereux, sans devoir fournir une analyse du comportement de l’animal. C’est ce qu’a maintenu un récent jugement de la Cour supérieure, qui a ordonné l’euthanasie d’un pitbull, non sans rappeler les nombreux débats ayant eu cours dans la métropole sur le sujet.

« Un chien peut être déclaré potentiellement dangereux dès lors qu’il y a morsure avec blessure sur une personne ou un animal sans qu’il soit nécessaire de faire une expertise comportementale », a statué le juge Pierre Nollet, en ordonnant l’euthanasie du pitbull il y a quelques semaines. La loi prévoit qu’une Ville « doit ordonner » l’euthanasie en cas de mort ou de blessure grave.

Il faut remonter au mois d’octobre 2020 pour bien comprendre cette histoire. À l’époque, la Montréalaise Danielle Bastien promenait ses deux chiens : Mira, une chienne de type pitbull, et Rover, un dingo américain. À un moment, les deux ont soudainement et « sans raison apparente » attaqué Watson, un plus petit chien qui était aussi en promenade avec son maître.

On peut lire dans les documents de la Cour que Watson a subi « des morsures au dos et à la tête », et que son propriétaire a également « subi des blessures superficielles aux mains en tentant de protéger Watson ». Le chien attaqué a été hospitalisé deux jours.

Une plainte au SPVM

Au cours des jours suivants, une plainte a été déposée au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), amenant peu après la Ville à déclarer Mira « dangereuse pour la sécurité publique », ainsi qu’à ordonner son euthanasie. Rover, quant à lui, a été jugé « potentiellement dangereux » et soumis à des restrictions.

Mme Bastien a ensuite contesté la décision de la Ville devant la Cour supérieure, faisant valoir que la municipalité « n’[avait] pas tenu compte de la preuve » et que l’expert en comportement animal consulté « ne [suggérait pas] l’euthanasie ». Deux contrexpertises produites par la Montréalaise ne la recommandaient pas non plus, jugeant le niveau de dangerosité de l’animal moins élevé.

La Ville a alors répondu qu’« il [n’était] pas exigé qu’elle obtienne une recommandation d’euthanasie de la part d’un vétérinaire » et que le « niveau de dangerosité de Mira [justifiait] la décision de l’euthanasier ».

Dans son analyse, le juge statue que la Ville de Montréal « n’a pas erré dans son appréciation ou la constatation des faits », entre autres en raison des antécédents de Mira. En 2016, elle avait en effet déjà mordu un autre chien, du nom de Sherlock, qui s’était introduit dans sa cour. Sherlock appartenait au même propriétaire que Watson, et avait aussi subi de graves blessures. Par le passé, Mira s’en était aussi prise à deux occasions à un autre des chiens appartenant à Danielle Bastien, ainsi qu’à l’un de ses chats. Au total, la propriétaire dit avoir été témoin de cinq agressions de la part de son pitbull.

En 2018-2019, 24 chiens ont été euthanasiés sur ordre de la Ville. Ce chiffre a toutefois fortement diminué depuis, avec 9 en 2020, 6 en 2021 et un seul jusqu’ici en 2022. Une porte-parole de la Ville, Camille Bégin, explique que « différents éléments » peuvent conduire à une évaluation, dont des morsures, des attaques contre d’autres animaux ou le comportement agressif d’un chien dans le voisinage. Montréal dit miser sur « la sensibilisation » d’abord, en offrant des ateliers d’éducation canine.

Un débat de longue date

Les débats sur l’interdiction (ou non) des pitbulls ne datent pas d’hier à Montréal. En 2017, Denis Coderre avait fait campagne sur l’interdiction de ce type de chiens, dans la foulée de la mort de Christiane Vadnais, qui avait été tuée par un chien de type pitbull un an avant, en 2016. Il a toutefois reconnu l’automne dernier, en tentant de se faire réélire, que c’était une « erreur ».

Dès son arrivée au pouvoir, en 2017, la mairesse Valérie Plante avait cassé cette décision, son parti affirmant qu’il « ne faut pas légiférer sur les races ».

Au gouvernement provincial, les libéraux de Philippe Couillard avaient promis d’« interdire les chiens de type pitbull », avant de changer d’idée. En 2019, le gouvernement Legault a présenté son projet de règlement sur les chiens dangereux, en imposant certaines balises comme le port d’un harnais pour les chiens de 20 kg et plus en public. Sans cibler de races, le règlement impose l’enregistrement obligatoire de chaque animal, et des amendes pouvant aller jusqu’à 20 000 $ aux réfractaires.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse