(Ottawa) Le gouvernement fédéral doit enlever toute mention de la Charte de la langue française du projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles, a plaidé Marlene Jennings lundi. La présidente du Quebec Community Groups Network (QCGN) craint les répercussions négatives d’un régime à deux vitesses sur la communauté anglophone québécoise.

« J’aimerais exprimer la déception profonde de notre communauté face à la reconnaissance par le gouvernement fédéral de la Charte de la langue française telle qu’amendée par la loi 96 dans le projet de loi sur les langues officielles », a déclaré l’ancienne députée libérale en comité parlementaire lundi.

Le projet de loi C-13 reconnaît la Charte de la langue française du Québec et donc que le français est la seule langue officielle sur le territoire. Le gouvernement de François Legault a récemment réformé cette charte en adoptant la loi 96, décriée par la communauté anglophone du Québec pour son recours à la clause dérogatoire.

« Son application aurait des conséquences profondes sur la communauté d’expression linguistique du Québec en matière de service public, d’éducation et d’accès à la justice », a affirmé Mme Jennings.

La loi 96 étend notamment les dispositions sur le français en tant que langue de travail aux entreprises de compétence fédérale, comme les banques et les entreprises de télécommunication. Le projet de loi fédéral C-13 leur donne le choix d’appliquer soit la Charte de la langue française, qui fait du français la seule langue officielle du Québec, ou la Loi sur les langues officielles, qui privilégie le bilinguisme.

La loi 96 ajoute également des articles à la Constitution du Québec dans la Loi constitutionnelle de 1867 pour reconnaître la nation québécoise et que sa langue officielle est le français.

« Le QCGN recommande fortement que toutes les références à toutes les législations qui fonctionnent nonobstant la Charte canadienne [des droits et libertés] soient enlevées du projet de loi C-13 », a indiqué Mme Jennings.

L’avocate québécoise Janice Naymark, qui témoignait en son nom personnel, craint que des emplois disponibles pour les anglophones soient éliminés voire que des entreprises réglementées par le gouvernement fédéral décident tout simplement de quitter le Québec.

« Le problème est que le projet de loi traite l’anglais comme étant la langue de la majorité, mais ignore le fait que les anglophones du Québec sont eux-mêmes une minorité », a-t-elle soutenu.

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, avait exprimé des craintes après l’adoption de la loi 96 et le premier ministre Justin Trudeau avait assuré qu’il protégerait les droits des anglophones.

L’une des dispositions les plus controversées de la loi 96 est que les services publics soient rendus en français à l’ensemble de la population, incluant les immigrants et les réfugiés qui auront un délai de six mois pour apprendre la langue. Elle ne s’applique pas à la communauté historique anglophone qui pourra continuer de recevoir des services en anglais.

Le témoignage des membres de la communauté anglophone à Ottawa a été retardé durant plus d’une heure lundi après que les libéraux eurent tenté de limiter à 15 heures le temps restant pour l’étude du projet de loi C-13 en comité. Les partis d’opposition ont manifesté leur désaccord et le débat sur la motion libérale a été reporté.

Une motion du député conservateur Joël Godin a par la suite été adoptée pour inviter tous les premiers ministres des provinces et des territoires à venir témoigner à leur tour en comité parlementaire.