Les pompiers font face à un nombre impressionnant d’incendies de forêt depuis 10 jours. Au moins 166 incendies ont été recensés depuis le début de la saison et 100 % d’entre eux ont été causés par l’activité humaine. Ce printemps chaud survient alors que des chercheurs de l’Université McGill révèlent que l’exposition aux incendies de forêt augmente les risques de cancer.

La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) compte déjà 61 incendies de plus que la moyenne. Quinze incendies de forêt étaient d’ailleurs toujours actifs au moment d’écrire ces lignes.

« On est au-dessus de la moyenne, mais on ne parle pas de record », nuance Stéphane Caron, coordonnateur à la prévention et aux communications de la SOPFEU.

« Si on regarde sur plusieurs années, on constate que [...] c’est au-dessus de la moyenne, mais ce n’est pas exceptionnel. Mais on parle quand même d’un printemps costaud jusqu’à maintenant », précise-t-il.

Samedi dernier, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a interdit les feux à ciel ouvert dans les forêts ou à proximité de celles-ci, dans le sud et l’ouest du Québec. L’interdiction a été élargie, mardi, à la quasi-totalité des régions de la province.

Le porte-parole de la SOPFEU parle d’un « cocktail parfait » pour le déclenchement d’incendies de forêt.

Le beau temps vient de commencer à s’installer, l’humidité est basse et il y a un peu de vent, ce qui augmente les risques. C’est une période critique et les chiffres le démontrent. On ne parle pas de grands feux, mais ils se trouvent souvent à proximité de populations.

Stéphane Caron, coordonnateur à la prévention et aux communications de la SOPFEU

Les 169 incendies ont tous été déclenchés par des humains, le plus souvent par le brûlage de rebuts ou par des mégots de cigarette, rapporte la SOPFEU. Ils ont en majorité été rapidement maîtrisés et éteints en moins de 48 heures. Les brasiers ont brûlé 177 hectares de forêt.

« Tant qu’il n’y aura pas de pluie, ça ne s’améliorera pas », souligne M. Caron.

Incendies de forêt et cancer

Le nombre d’incendies en nature, plus élevé qu’à l’habitude, n’a rien de rassurant, d’autant qu’une étude de l’Université McGill vient de démontrer que les personnes qui sont exposées aux incendies de forêt sont plus susceptibles de développer un cancer du poumon ou des tumeurs cérébrales.

Les chercheurs, qui ont observé 2 millions de Canadiens pendant 20 ans, ont démontré que les personnes ayant vécu à une distance de 50 kilomètres ou moins d’incendies de forêt dans les 10 dernières années affichaient un taux de tumeurs cérébrales 10 % plus élevé que les gens vivant plus loin. Le taux de cancer du poumon était 4,9 % plus élevé chez les personnes exposées aux incendies de forêt. Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue The Lancet Planetary Health, la semaine dernière.

« Le problème avec les incendies de forêt, c’est qu’ils ne polluent pas seulement l’air. Ils polluent aussi l’eau et le sol. Le contact avec ces polluants peut se poursuivre même après qu’un feu a été éteint », explique Scott Weichenthal, professeur agrégé au département d’épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l’Université McGill.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE SCOTT WEICHENTHAL

Scott Weichenthal

Le chercheur et sa collègue Jill Korsiak, la doctorante qui a dirigé l’analyse, se disent préoccupés, car les incendies se déclenchent souvent aux mêmes endroits. « Les habitants de ces régions pourraient subir une exposition chronique à des polluants cancérigènes », explique le professeur Weichenthal.

Stéphane Caron, de la SOPFEU, confirme que les incendies sont plus fréquents en Outaouais, dans les Laurentides et en Montérégie, au printemps. À l’inverse, ils se font plus rares dans la région de Québec ou dans Charlevoix.

« Il y a toutes sortes de phénomènes qui expliquent ça, notamment le type de forêt. Les forêts de feuillus sont moins vulnérables parce que les feuilles, quand elles sont sorties, conservent l’humidité. Les forêts de résineux, qu’on trouve davantage dans le nord du Québec, sont quant à elles plus vulnérables parce qu’on y trouve beaucoup d’épines et de résine. La résine, c’est un accélérant pour le feu », note M. Caron.

« Il y a aussi le phénomène météorologique. Il y a des corridors de foudre qui sont typiques au Québec. La foudre génère des incendies de forêt », ajoute-t-il, insistant sur le fait que les incendies peuvent survenir dans n’importe quelle région.

Le professeur Weichenthal rappelle que les incendies de forêt risquent de devenir plus fréquents, plus intenses et plus longs avec les changements climatiques. Alors, est-il mieux de vivre près d’une forêt vulnérable aux incendies ou en ville, dans la pollution urbaine ? La réponse devra faire l’objet d’une autre étude, répond M. Weichenthal, un sourire dans la voix.