(Montréal, Québec) Insatisfait du plan d’action présenté par la FTQ-Construction, le ministre du Travail, Jean Boulet, s’adresse directement au président de la FTQ, Daniel Boyer, et lui demande de « faire la lumière sur les évènements » ayant conduit à l’élection de Rénald Grondin à la tête « d’un des plus grands syndicats québécois ».

La FTQ-Construction, qui a réuni d’urgence les 17 directeurs de ses syndicats affiliés, a annoncé mardi qu’elle adoptait un plan d’action en matière de harcèlement psychologique et sexuel à la suite de la démission de son président, Rénald Grondin, qui a harcelé et agressé une secrétaire administrative pendant deux ans, de 2008 à 2010, alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres inter-provinciaux.

Dans un communiqué publié au terme de cette rencontre extraordinaire, le syndicat a fait savoir qu’il se doterait d’une série de mesures pour éviter qu’une situation semblable ne se reproduise, comme une révision des politiques internes et l’ajout de formations obligatoires pour les « personnes en position de pouvoir ». On a aussi évoqué l’introduction de « mécanismes d’enquête », sans autres détails.

La FTQ-Construction, qui n’accorde aucune entrevue pour détailler son plan, reste par ailleurs muette sur la demande du ministre Jean Boulet, qui réclame une enquête sur les évènements.

« Je salue l’initiative, il y a quand même une réaction. Est-ce que ça me satisfait ? Je pense que ça ne permettra pas d’aller au fond des choses », a déploré en entrevue le ministre du Travail. Jean Boulet cherche à comprendre comment Rénald Grondin a pu gravir les échelons malgré l’existence d’une décision de la Commission des lésions professionnelles en 2012, révélée par La Presse la semaine dernière.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO DES SOUPERS DES BÂTISSEURS

Rénald Grondin a démissionné le lendemain des révélations faites par La Presse.

« La FTQ-Construction, je ne sais pas comment elle va se comporter, mais pour moi, ça m’apparaît impératif de se questionner et de déterminer comment ça se fait que ça se soit rendu là », a ajouté M. Boulet. Ce dernier venait d’ailleurs tout juste de s’entretenir à nouveau avec le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Daniel Boyer. « Je pense qu’il a compris le message », a-t-il affirmé.

Jean Boulet a néanmoins cru bon d’envoyer une lettre à M. Boyer, que La Presse a pu consulter, afin de bien faire valoir l’importance de « se questionner sur l’impunité ayant permis [à M. Grondin] d’atteindre la présidence d’un des plus grands syndicats québécois ».

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jean Boulet, ministre du Travail

« Conséquemment, je vous demande de faire la lumière sur les évènements et les actions ayant fait l’objet de la décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP), en octobre 2012 », poursuit M. Boulet dans sa lettre. Un peu plus tôt mardi, lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère, il avait également affirmé qu’il allait « s’assurer qu’il y ait une enquête » sur cette affaire.

« On verra la forme que ça va prendre », avait-il précisé, interrogé par le député libéral Frantz Benjamin, avant de rappeler que M. Grondin occupait un « poste électif » et que, donc, « la FTQ a une responsabilité ».

Dans sa lettre, le ministre Jean Boulet demande par ailleurs que la FTQ rappelle à ses syndicats affiliés « les obligations qui s’appliquent à eux, à titre d’employeur », soulignant que l’industrie de la construction fait face à des taux d’abandon importants chez les femmes. Il réclame aussi que la FTQ et ses syndicats affiliés « rehaussent leurs normes en matière de vérification diligente des antécédents de leurs dirigeants ».

« Je vais m’assurer d’un suivi, je vais m’assurer qu’après être allé au fond des choses, il y ait un plan d’action comme c’est soumis dans le communiqué de la FTQ-Construction, et il faut que j’aie une assurance que ce type de situation ne se reproduira pas », a martelé le ministre en entrevue.

Série de nouvelles mesures

Dans son communiqué, la FTQ-Construction énumère une série de nouvelles mesures pour éviter qu’une situation semblable ne se reproduise. Les dirigeants de la FTQ-Construction et des syndicats affiliés devront désormais déclarer leurs antécédents judiciaires et leurs problèmes de conduite personnelle. On évoque aussi des « critères d’éligibilité stricts » pour les représentants et les postes décisionnels, sans les détailler.

Les personnes en position de pouvoir seront également obligées de suivre une formation sur le harcèlement sexuel ou psychologique. Notons toutefois que la Commission de la construction du Québec fait déjà des enquêtes sur les antécédents criminels des dirigeants de syndicats.

« Avec ces mesures, la FTQ-Construction veut s’assurer que les personnes qui se présentent à des postes au sein de l’organisation n’ont rien à cacher. Si jamais on découvrait quoi que ce soit contrevenant à nos politiques, nous aurions les moyens d’agir », a expliqué Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction, dans une déclaration écrite.

On note également dans le communiqué que les directeurs réunis d’urgence ont « eu une pensée pour les victimes d’agressions sexuelles ». La FTQ-Construction doit tenir son congrès les 25 et 26 mai prochains. L’élection du nouvel exécutif aura lieu à ce moment.

Lisez « Il a gravi les échelons malgré des agressions »

Une version précédente de ce texte contentait une erreur dans le nom du président de la FTQ, Daniel Boyer. L'erreur a été corrigée.