(Québec) Hydro-Québec et le gouvernement québécois ont resserré leurs mesures de sécurité informatique devant la menace « sérieuse » d’une cyberattaque russe. Des pirates informatiques de la Russie pourraient viser le Québec afin de s’attaquer ultimement aux États-Unis, selon le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire.

Lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère à l’Assemblée nationale mardi, il a soutenu qu’il y avait un risque que l’on « attaque tout le nord-est des États-Unis par le Québec ».

« Malheureusement, trop d’organisations se disent : “Voyons donc, voire si les Russes vont s’intéresser à moi.” […] Faites juste imaginer si on attaquait Hydro-Québec et si on arrivait à cesser la production d’électricité [alors qu’]on fournit de l’électricité aux Américains. Si vous voulez attaquer les Américains, on est une belle courroie de transmission », a expliqué le ministre, tout en disant qu’il ne veut « donner des idées à personne ».

Le député libéral Gregory Kelley le questionnait alors au sujet des inquiétudes soulevées par les États-Unis depuis le début de la guerre en Ukraine quant à la possibilité de cyberattaques russes contre eux et d’autres pays qui appuient le président Volodymyr Zelensky. La Maison-Blanche a appelé les États et les entreprises à resserrer leurs mesures de sécurité, a-t-il signalé.

Selon Éric Caire, le gouvernement québécois « prend la situation très au sérieux ». C’est le cas également à Hydro-Québec.

« Nous avons augmenté le nombre de ressources et notre niveau de veille de surveillance spécifiquement pour cette menace. Dès le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, ce risque a été intégré dans notre vigie quotidienne afin de s’y adapter en temps réel », a indiqué à La Presse son chef des relations médias et des affaires gouvernementales, Philippe Archambault.

Plus de 200 personnes veillent à la cybersécurité de la société d’État. Aucune menace directe envers elle n’a été détectée depuis le début de l’invasion russe.

Hydro-Québec se dit « en contact constant avec les organisations gouvernementales comme le Centre canadien pour la cybersécurité » « et indirectement avec [l’Agence américaine de cyberdéfense] et certains corps policiers américains comme le FBI ».

De son côté, Québec a « identifié les cibles potentielles pour une cyberattaque », comme les réseaux de distribution électriques.

On évoque en coulisses le risque d’une prise de contrôle à distance du système de navigation d’un cargo se trouvant sur le fleuve Saint-Laurent. Des pirates pourraient ainsi parvenir à bloquer la voie maritime, brisant des chaînes d’approvisionnement du Canada et des États-Unis.

Selon Éric Caire, des ressources supplémentaires ont été allouées pour relever les niveaux de sécurité au gouvernement. Son ministère a reçu une enveloppe de 100 millions de dollars, en vertu du budget d’Eric Girard déposé le mois dernier, destinée « exclusivement à la cybersécurité », a-t-il ajouté.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Éric Caire

Québec s’inquiète également de la possibilité d’une cyberattaque lors des élections générales l’automne prochain. Des échanges ont lieu avec le Directeur général des élections afin de se prémunir contre ce risque.

La menace est bien réelle. En février dernier, l’aluminerie Alouette, sur la Côte-Nord – la plus importante en Amérique du Nord –, a été victime d’une panne informatique majeure à la suite d’une cyberattaque revendiquée par un groupe de criminels russes.

Tempête au Ministère

Né tout récemment en vertu d’une loi, le ministère de la Cybersécurité et du Numérique a été frappé par une « tempête parfaite » dès son coup d’envoi, a reconnu Éric Caire en réponse aux questions du péquiste Martin Ouellet. Trop de changements ont été entrepris au même moment, et la performance n’est pas nécessairement au rendez-vous, a-t-il expliqué en substance. Son sous-ministre Guy Rochette a été dégommé récemment, un « départ à la retraite » qu’il n’a pas voulu commenter.

Le ministre compte redresser la barre. « Il n’y a plus de tolérance au fait qu’on dépasse les échéanciers et les budgets », a affirmé M. Caire, qui travaille toujours sur son projet d’identité numérique pour chaque Québécois.

Par ailleurs, il comptait confier au secteur privé le stockage infonuagique de 80 % des données de l’État, gardant dans le giron gouvernemental seulement les données jugées « critiques » (20 %). L’objectif était de faire des économies. Or, il a révélé que le gouvernement conserverait finalement beaucoup plus de données, 30 % ou 40 %, toutes celles jugées « nécessaires au fonctionnement de l’État ». « Il faut augmenter du simple au double notre capacité de stockage », a-t-il dit.

Le ministre a expliqué que le gouvernement avait pris cette décision en raison du risque d’être « coupés de nos informations » si Amazon ou Microsoft devait être forcé par un autre pays, comme les États-Unis, d’interrompre tout accès à partir de l’étranger à leurs données stockées, dans le contexte d’un conflit. Québec ne pourrait plus accéder à ses données dans pareille situation, un risque que l’on ne peut courir, a expliqué Éric Caire.