(Ottawa) Le dernier commandant de la mission canadienne d’entraînement en Ukraine dit que la décision de la Russie d’imposer des sanctions contre nombre de ses prédécesseurs et lui démontre que celle-ci a eu des résultats positifs.

Le lieutenant-colonel Luc-Frédéric Gilbert est l’un des six commandants de l’opération « Unifier » visant à entraîner des troupes ukrainiennes. À l’instar de plusieurs dizaines de Canadiens, il a fait l’objet de sanctions par la Russie.

Selon le gouvernement fédéral, l’opération « Unifier » a permis d’entraîner plus de 30 000 soldats ukrainiens depuis 2015. Plusieurs d’entre eux combattent actuellement pour défendre leur pays contre l’invasion russe.

M. Gilbert a déclaré à La Presse Canadienne qu’il était fier du travail accompli par les militaires canadiens en Ukraine. Ils ont quitté ce pays moins de deux semaines avant que la Russie y lance ses opérations militaires.

Parmi les autres officiers visés par des sanctions, on retrouve les lieutenantes-colonelles Sarah Heer et Melanie Lake, qui se disent d’accord avec leur collègue sur le fait que cela représente une confirmation de la valeur de leur mission.

Le Canada a lancé l’Opération Unifier en 2015 en réaction à l’annexion russe de la Crimée par la force ainsi qu’au soutien militaire de la Russie aux milices séparatistes de l’est de l’Ukraine.

L’objectif de la mission a évolué au fil du temps avant qu’elle soit suspendue. Elle visait principalement à transformer l’armée ukrainienne de l’ère postsoviétique en une défense moderne capable de protéger le pays.

Selon le gouvernement fédéral, plus de 33 000 soldats ukrainiens ont bénéficié d’un entraînement offert par le Canada au cours de cette mission.

Luc-Frédéric Gilbert était sur le terrain au moment de la décision d’Ottawa d’évacuer ses 250 militaires vers la Pologne. S’il comprend la manœuvre, l’officier dit qu’il leur a été difficile de quitter l’Ukraine, puisqu’ils sont entraînés pour se battre et non pour fuir un conflit.

Le Canada et ses alliés occidentaux ont été très clairs sur le fait de ne pas déployer de soldats en Ukraine afin de ne pas envenimer les choses et de déclencher un conflit mondial entre la Russie et l’OTAN. Les États alliés ont préféré fournir de l’aide financière et de l’équipement militaire aux soldats ukrainiens en plus d’imposer des sanctions pour nuire à la Russie.

Le lieutenant-colonel Gilbert relate que la prise de conscience d’une menace réelle de la Russie envers l’Ukraine n’est survenue qu’à la fin du mois de janvier. Mais encore là, les Ukrainiens n’y croyaient pas réellement jusqu’au départ des troupes canadiennes.

À la mi-février, un officier de la Garde nationale ukrainienne aurait lancé à M. Gilbert qu’ils allaient « se revoir bientôt parce que rien ne va arriver ».

« À ce moment-là, j’étais persuadé que quelque chose allait se produire. Lui était persuadé que ça n’arriverait pas. Malheureusement, j’avais raison », a-t-il confié.

Tous les 250 militaires placés sous le commandement du lieutenant-colonel Gilbert sont de retour au Canada. Un autre groupe de 150 membres des Forces armées canadiennes est parti en Pologne pour aider ce pays à accueillir les millions de réfugiés ukrainiens qui ont fui l’invasion russe.

M. Gilbert est lui-même rentré à la base de Valcartier, où il dirige le 5e Régiment du génie de combat. Il demeure toutefois techniquement aux commandes de l’Opération Unifier, mise sur pause, mais officiellement active jusqu’en mars 2025.

Parmi les améliorations canadiennes apportées aux forces ukrainiennes, de précédents commandants de l’Opération Unifier ont dit avoir aidé à rendre les unités plus agiles en faisant confiance et en responsabilisant les militaires des échelons plus bas de la chaîne de commandement afin qu’ils puissent prendre des décisions.

Cela a permis aux Ukrainiens de défendre plusieurs fronts à la fois et de réagir d’une manière inattendue aux yeux de la Russie. Ils ont notamment pu déployer de petites unités pouvant neutraliser des chars d’assaut russes et autres manœuvres de l’envahisseur.

Le lieutenant-colonel Gilbert confirme cette analyse en disant qu’en plus de l’entraînement des tireurs d’élite, la tactique de déploiement en petites unités constitue le meilleur exemple de la contribution canadienne.