La pénurie de main-d’œuvre et la hausse des coûts d’exploitation font en sorte que l’offre de transport adapté pourrait devenir insuffisante à Montréal face à une demande en croissance. L’industrie demande l’intervention de la Ville et du gouvernement du Québec pour éviter que des usagers vulnérables ne se retrouvent sans moyen de transport.

« Il risque d’y avoir des bris de service pour les usagers parce qu’il y a un manque de véhicules et un manque de chauffeurs », a déclaré le directeur général de Taxelco, Frédéric Prégent, en conférence de presse mercredi. Il était accompagné de représentants de Taxi Para-Adapté, Van Medic et Rosemont Transport Van Adapté, d’autres fournisseurs de transport adapté de la métropole.

« On veut interpeller le [ministère des Transports du Québec (MTQ)] ainsi que la Ville de Montréal dans le but qu’ils investissent dans cette industrie qui est essentielle dans le transport des personnes à mobilité réduite », a poursuivi M. Prégent.

Le coût élevé de l’essence de même qu’un programme de subventions du MTQ qu’ils jugent « inadapté en raison de montants insuffisants et du fait que les véhicules ciblés sont trop dispendieux » sont à la source de ces problèmes, indiquent les représentants de l’industrie dans un communiqué de presse.

Le revenu horaire des chauffeurs aujourd’hui, il n’est plus suffisant par rapport aux coûts d’opération d’un véhicule.

Frédéric Prégent, directeur général de Taxelco

« On demande une augmentation des [salaires horaires], un travail équitable », a affirmé Meheddine Mourad, chauffeur de Taxi Para-Adapté qui travaille dans le domaine depuis plus de 20 ans. « On travaille énormément avec les hôpitaux, on donne un service énorme […], le monde sont vraiment satisfaits, mais il faut qu’on soit payés équitablement », a-t-il ajouté en marge du point de presse.

Vers une « croissance soutenue »

La demande pour ces services était en hausse constante dans les dernières années jusqu’à l’arrivée de la COVID-19, d’après les rapports d’activité de la Société de transport de Montréal (STM). Le nombre total de déplacements en transport adapté, incluant les minibus, a atteint un sommet de 4,4 millions en 2019 avant de baisser à 2 millions en 2020.

« On peut facilement conclure à une croissance soutenue de la demande [des services de taxi accessible] au cours des prochaines années », peut-on lire dans un rapport de la Commission des transports du Québec (CTQ) publié en 2021, qui souligne cependant que la pandémie de COVID-19 pourrait faire varier ces projections.

Consultez le rapport de la Commission des transports du Québec

La baisse d’achalandage liée à la pandémie tempère encore la situation, mais « on est rendus à 60 % de l’achalandage d’avant la pandémie. Ça s’en vient », a prévenu le président de Taxi Para-Adapté, Yung Cuong, lors de la conférence de presse. « D’ici la fin de l’année, si on reprend un autre 20 %, on est faits. On n’est plus capables. »

Des programmes bonifiés jugés insuffisants

« Nos programmes ont déjà quand même été bonifiés de façon substantielle au cours des dernières années concernant le transport adapté », a fait valoir Nicolas Vigneault, porte-parole du MTQ, lors d’un entretien téléphonique.

Le Programme de subvention au transport adapté (PSTA) destiné aux organismes municipaux « a été rehaussé de façon importante en 2022, soit de 11,7 millions, portant le budget total à 129,49 millions », a-t-il cité en exemple par courriel. « Ce sont les municipalités qui sont responsables de gérer les services de transport adapté sur leurs territoires respectifs », a-t-il précisé à propos de ce volet.

M. Vigneault a également souligné l’existence de subventions de 20 000 $ pour l’acquisition ou l’adaptation des véhicules pour le transport des personnes à mobilité réduite.

Aux yeux des représentants de l’industrie, cependant, cette subvention est insuffisante, puisqu’elle ne serait pas proportionnelle à la hausse des coûts de l’acquisition et de l’adaptation des véhicules. Ils ont dit avoir une rencontre avec le MTQ à ce sujet mercredi prochain, ce que le ministère n’a pas confirmé.

« Prime sur le carburant »

Invitée à réagir, la Ville de Montréal n’a pas répondu aux questions de La Presse, nous dirigeant plutôt vers la STM. Cette dernière a indiqué avoir mis en place une « prime sur le carburant » afin de compenser la hausse du prix de l’essence, a indiqué une porte-parole par courriel.

« Cette prime sera accordée lorsque le prix moyen du carburant s’élèvera à plus de 1,55 $/litre, et ce, jusqu’à concurrence de 2,50 $/litre. Les montants de la prime pourraient donc fluctuer entre 0,00 $ et 0,15 $ par kilomètre parcouru », a-t-elle précisé. « La prime sera versée rétroactivement à compter du 1er mars 2022 et le premier paiement sera applicable à la fin du mois d’avril. »

Or, « c’est vraiment rien », a déploré M. Prégent lors d’un entretien téléphonique. « La mesure proposée par la STM couvre seulement une portion de la hausse des coûts » et ne sera « pas suffisante pour empêcher la pénurie appréhendée », a-t-il ajouté par courriel.

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  • 28 250
    Nombre d’usagers du transport adapté à Montréal en 2021
    source : rapport d’activité 2021 de la stm