(Sainte-Anne-de-Bellevue) Gobelets de café, bouteilles d’eau, masques jetables… En fondant, la neige a laissé apparaître les tonnes de déchets abandonnés par des automobilistes pendant l’hiver le long des routes du Québec. La Presse a accompagné une équipe du ministère des Transports lors de la grande opération de nettoyage printanière qui est actuellement en branle. Nous y avons fait des découvertes surprenantes et dégoûtantes.
« Ici, c’est quand même propre », déclare Mathieu Hochwald-Pagé, en bordure de l’autoroute 20, à Sainte-Anne-de-Bellevue, où traînent toutes sortes de détritus comme des emballages de tablettes de chocolat, des canettes de boisson énergétique, des vêtements, énormément de mégots de cigarettes et de morceaux de styromousse. « C’est l’un des plus beaux tronçons dans la région de Montréal », dit-il pourtant.
Depuis le début de l’opération de nettoyage le 8 avril, Mathieu Hochwald-Pagé, propriétaire de l’entreprise Tom Industries, et ses collègues ont amassé 500 grands sacs à ordures sur le tronçon montréalais de l’autoroute 40. L’enlèvement des rebuts le long de la Transcanadienne a pris 5 jours et mobilisé 15 employés.
« On trouve beaucoup trop de bouteilles d’eau. Des bouteilles Naya et Eska, il y en a des centaines. Les gens devraient traîner des bouteilles réutilisables », souligne-t-il, sa voix se mêlant au bruit des véhicules qui roulent à 100 km/h, à côté de nous.
Tom Industries a remporté pour la deuxième année de suite un appel d’offres du ministère des Transports du Québec (MTQ) pour l’entretien des bordures de certaines autoroutes et routes de la province. Le contrat inclut aussi la coupe d’herbe pendant l’été.
À ses débuts l’année dernière, Mathieu Hochwald-Pagé a été surpris par le nombre de contenants d’alcool qu’il a découverts le long des routes.
On trouve beaucoup trop de bouteilles d’alcool. Beaucoup trop ! Des bières, des bouteilles d’alcool fort. Il y a encore du monde qui boit au volant. Je savais que ça existait, mais je n’aurais jamais pensé autant.
Mathieu Hochwald-Pagé, propriétaire de l’entreprise Tom Industries
Les propos de Mathieu Hochwald-Pagé se confirment le long de l’autoroute 20, dans l’ouest de Montréal. En quelque 800 mètres, La Presse et les travailleurs tombent sur cinq canettes éparpillées de Budweiser, de Black Label et de cocktails alcoolisés.
Des dollars dans les fossés
La quantité de déchets est tellement grande que les travailleurs les ramassent à la main. Ils n’utilisent pas de pics ou de pinces à ordures. « On fait des squats toute la journée. On en fait des centaines et peut-être même 1000 par jour », souligne Émile Tremblay, qui est vêtu d’une veste de sécurité orange, d’un casque et de gants. En un quart de travail de 12 heures, ses collègues et lui parcourent environ 8 km chacun, à pied.
Souvent, ils trouvent des objets inusités comme des jouets pour enfants… et des jouets pour adultes. Des vêtements et des sous-vêtements.
Ils font aussi des découvertes désagréables comme des préservatifs ou des bouteilles remplies d’urine. Deux de ces contenants pleins de liquide jaune douteux sont d’ailleurs ramassés lors du passage de La Presse, sur la 20.
« Ce sont des camionneurs, c’est sûr », avance Justin Lambert, le troisième travailleur du trio. Mais les comparses n’arrivent jamais réellement à savoir comment des objets – comme des sandales ou un soutien-gorge – ont pu se retrouver sur l’accotement des voies rapides.
Sarah Bensadoun, porte-parole du MTQ qui nous accompagne, tombe quant à elle sur un iPhone cassé en deux. La carte SIM s’y trouve encore.
« C’est un criminel qui voulait s’en débarrasser », avance notre journaliste. « Ou quelqu’un qui l’a échappé en voulant faire un selfie par sa fenêtre », propose notre photographe. « C’est peut-être tombé de la poche d’un motocycliste », émet Justin Lambert. Ou le téléphone a été oublié sur le toit d’un véhicule et est tombé sur l’autoroute.
Le mystère plane encore une fois.
« Étonnamment, il y a aussi beaucoup d’argent, affirme Mathieu Hochwald-Pagé. L’année passée, j’ai trouvé environ 400 $ d’argent comptant. Et hier, j’ai trois employés qui ont trouvé des billets de 50 $. »
On ne ramasse quand même pas 10 000 $ par été, mais il y a peut-être un millier de dollars qui traînent sur les autoroutes chaque année.
Mathieu Hochwald-Pagé, propriétaire de l’entreprise Tom Industries
« C’est de l’argent jeté par les fenêtres », poursuit Justin Lambert. Littéralement.
Automobilistes et environnement
Mathieu Hochwald-Pagé et ses collègues doivent ramasser le plus de déchets possible avant de commencer la tonte du gazon. C’est que les débris peuvent s’enrouler dans les lames des tondeuses ou les casser. L’herbe doit absolument être fauchée afin que les bornes de kilométrage soient visibles et que les virages soient sécuritaires, précise Sarah Bensadoun, du MTQ.
« Ça n’est vraiment pas impressionnant », dit Mathieu Hochwald-Pagé au sujet des automobilistes qui se débarrassent de leurs déchets dans la nature. « Je ne comprends pas ce genre de comportement. »
« Il y a encore beaucoup de travail à faire auprès des conducteurs sur le respect de l’environnement, convient Sarah Bensadoun. Pour certains, c’est acquis que l’on doit garder ses déchets dans la voiture jusqu’à ce qu’on arrive à une poubelle. Mais pour d’autres… », s’interrompt-elle, découragée.
Justin Lambert est lui aussi dégoûté par le comportement de certains automobilistes. « C’est important de garder les autoroutes propres. Tu ne pitcherais pas des vidanges sur ton terrain, parce que tu veux que ça soit beau. C’est la même affaire avec les autoroutes. »
Gros débris et carcasses d’animaux
Les déménagements du 1er juillet apportent un lot d’objets encombrants sur les autoroutes de la province. « On trouve des trucs comme des matelas, des barbecues, des meubles, des frigos et de grosses pièces qui nous font nous demander : “Mais comment la personne a pu ignorer qu’un chargement aussi lourd était tombé de son véhicule ?” », raconte Sarah Bensadoun, porte-parole du ministère des Transports du Québec. Ce sont des employés du Ministère qui s’occupent d’enlever ces objets encombrants sur les autoroutes et routes provinciales. Pour ce qui est des carcasses d’animaux happés, ce sont plutôt des entreprises privées qui les enlèvent de la chaussée. « Ce sont des équipes spécialisées, car il y a des exigences environnementales à respecter dans le cas d’animaux », précise Mme Bensadoun.
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- Nombre de contrats accordés à des entreprises pour l’entretien et la coupe de gazon en bordure des autoroutes, au Québec
MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC