Des voix s’élèvent dans la foulée de la mort tragique d’un poupon de Manawan pour réclamer la création d’une formation collégiale pour les paramédicaux réservée aux Autochtones.

Président de Paramédics des Premières Nations, le seul service ambulancier privé au Québec géré par des Autochtones, Robert Bonspiel craint qu’un drame semblable ne se reproduise dans sa communauté, à Kanesatake, dans la couronne nord de Montréal.

Début avril, un bébé de la communauté de Manawan, dans le nord de Lanaudière, est mort au CHU de Sainte-Justine, à Montréal.

Selon le média indépendant The Rover, qui a d’abord révélé l’histoire, la famille de la petite aurait attendu plusieurs heures avant son transfert à l’urgence de Joliette, faute d’ambulance disponible.

L’équipe sur place, à Manawan, était en effet indisponible pour la transporter puisque déjà en surcharge de travail, confirme le chef de la communauté atikamekw de Manawan, Paul-Émile Ottawa.

Le Bureau du coroner a indiqué mardi avoir ouvert une enquête « afin de faire la lumière sur la cause et les circonstances de ce décès ». Cette mort tragique s’ajoute à d’autres survenues à Manawan ces dernières années en raison de l’éloignement de la communauté, dont la noyade de deux fillettes.

Seulement 9 paramédicales issues des Premières Nations

Selon Robert Bonspiel, le manque de main-d’œuvre et les horaires difficiles imposés aux services ambulanciers qui desservent ces communautés contribuent aux découvertures.

Il plaide donc pour la création d’un diplôme d’études collégiales en soins préhospitaliers d’urgence réservé aux membres des Premières Nations, à l’image de ce qui s’est fait à l’École nationale de police du Québec, à Nicolet.

Selon un sondage maison qu’il a réalisé en 2020, la province comptait alors seulement 9 paramédicales issues des Premières Nations pour un total d’environ 6000 employés, selon les chiffres les plus récents de Québec.

Or, l’ajout de paramédicaux issus de la communauté améliorerait certainement la confiance de la population envers ses autorités, en plus d’aider au recrutement dans les communautés, fait-il valoir.

Imaginez les bénéfices sociaux d’avoir [par exemple] des paramédicaux atikamekw, qui parlent la langue, viennent de là, connaissent les enjeux, savent qui demeure où.

Robert Bonspiel, président de Paramédics des Premières Nations

Deux cégeps auraient été pressentis, mais les discussions restent embryonnaires, indique Robert Bonspiel. « Ce n’est pas une solution à court terme, parce que ça prendrait du temps à les former, explique-t-il. [Mais] on ne peut pas espérer faire mieux sans changer notre approche. »

Un bon pas en avant

Aux premières loges du drame survenu à Manawan, Paul-Émile Ottawa plaide dans le même sens. Faute d’avoir le droit de conduire une véritable ambulance jusqu’en 2018, la communauté s’était dotée d’un « véhicule d’urgence » conduit par des « premiers répondants », rappelle-t-il. « On ne pouvait juste pas appeler ça une ambulance. »

En cas d’urgence, cette équipe pouvait faire la moitié du chemin vers Saint-Michel-des-Saints, à 88 km de là, pour rejoindre l’équipe locale de paramédicaux. Le transfert de patients se faisait alors en bordure du chemin, parfois « en pleine nuit, dans le noir, à – 35 °C », se remémore Paul-Émile Ottawa.

Depuis, le service a été amélioré, mais les ressources manquent toujours, ajoute-t-il. L’entreprise qui dessert la communauté, Paraxion, fait son « gros possible », estime Paul-Émile Ottawa. Mais « force est de constater que ce qui a été proposé et mis de l’avant en 2018, c’était un bon pas en avant, mais ce n’est toujours pas suffisant, ce n’est pas assez », ajoute-t-il.