La Société de transport de Montréal (STM) réclame 4,5 millions à Bell Canada et à une autre entreprise œuvrant en transformation numérique pour l’implantation ratée d’un progiciel de gestion des ressources humaines. L’opérateur leur reproche notamment d’avoir fait des déclarations « fausses, inexactes et trompeuses ».

Il faut remonter à novembre 2016 pour bien comprendre ce dossier. À l’époque, la société de transport cherche à acquérir un logiciel de « gestion de talents », dans le contexte où ses systèmes en place sont désuets et ne permettent pas d’intégrer de nouvelles technologies. La situation commande alors de moderniser les systèmes, surtout que des départs « massifs » à la retraite sont prévus en 2019.

Un appel d’offres est donc lancé en bonne et due forme, que Bell Canada et CEGID Inc. – un créateur de logiciels de gestion – remportent au début de 2017, étant les seuls fournisseurs jugés « conformes ».

Plusieurs problèmes de conception et de réalisation – allant de difficultés avec des modules de formation du logiciel à des tâches incomplètes ou encore des enjeux avec l’opérationnalisation globale du programme – retardent toutefois le projet à partir de ce moment, selon la poursuite. À l’automne 2017, le logiciel ne respecte toutefois toujours pas les demandes, selon la STM, qui dit alors anticiper un retard « de huit à dix mois par rapport à l’échéancier initialement convenu », soit vers la fin de 2018 ou le début de 2019.

Et comme les problèmes s’accumulent, les dépenses suivent aussi. En octobre 2018, la société de transport estime avoir déjà dépensé plus de 4,4 millions seulement « dans la réalisation du projet », et ce, « sans fins utiles ». En décembre de la même année, les coûts estimés du projet bondissent de 6,9 millions à 11 millions. À ce moment, une livraison même « partielle » du projet est fixée pour encore plus tard, soit à la fin de 2019.

Finalement, devant « l’incapacité » des deux entreprises à « livrer une solution », la STM annonce son intention de mettre fin au contrat en janvier 2019. Bell nie alors « toute responsabilité » quant à la faillite du projet, lit-on dans la poursuite.

« Représentations fausses »

Dans sa demande introductive d’instance, déposée il y a quelques jours devant la Cour supérieure, l’organisme montréalais affirme que « la faillite du projet est imputable aux représentations fausses, inexactes et trompeuses » de Bell Canada et CEGID Inc. « quant aux fonctionnalités présentes dans la version standard du progiciel proposé, et leur incapacité à livrer les développements requis afin de pallier les insuffisances de leur solution dans un délai raisonnable ».

« Pire encore, même lorsque la portée du projet a été revue à la baisse afin de permettre aux [entreprises] d’effectuer un déploiement partiel, même tardif, de la solution proposée, celui-ci ne rencontrait manifestement pas les exigences minimales requises afin qu’il soit opérationnel et rencontre les besoins d’affaires de la STM », accusent les avocats de la société, du cabinet Larochelle Avocats.

La STM, qui estime avoir « fait les frais de l’échec de cette tentative d’implantation en voyant les coûts anticipés pour l’allocation des ressources internes et externes au projet exploser sans pour autant pouvoir en tirer aucun bénéfice », réclame ainsi 500 000 $ à Bell Canada et CEGID Inc. pour rembourser la préparation qu’a demandée l’appel d’offres initial.

Elle demande également un versement significatif de 3,8 millions de dollars pour rembourser ce que lui a coûté le projet, même si celui-ci ne s’est jamais réalisé, du moins pas dans le cadre de cette entente. Et enfin, l’opérateur souhaite 200 000 $ pour éponger les « coûts de l’alternative » qu’il devra trouver pour la suite. Le total équivaut à 4,5 millions.

Par courriel, le porte-parole de la société, Philippe Déry, confirme que « le recours vise principalement à récupérer les sommes investies par la STM pour un projet informatique qui ne s’est pas concrétisé comme prévu ». « Nous ne commenterons pas davantage comme le dossier est judiciarisé », enchaîne-t-il toutefois.

Jointe par La Presse lundi, Bell Canada n’a pas souhaité faire de commentaires de son côté, pour les mêmes raisons. « Nous ne commentons pas ce dossier qui se trouve devant les tribunaux », s’est limitée à répondre la porte-parole Vanessa Damha.