Même s’il s’agit d’une mort « accidentelle », la mort du signaleur routier Pascal Cauchon, survenue il y a près d’un an jour pour jour sur un chantier dans le Centre-du-Québec, appelle à une série d’« interventions » afin d’assurer la sécurité de ces travailleurs, juge le Bureau du coroner dans un rapport paru jeudi.

« Il est impératif qu’on mette en branle toutes les interventions – Ministère, police, médias et l’ensemble des travailleurs – qui pourraient diminuer tous les risques. M. Pascal Cauchon, je le redis autrement, n’avait pas à perdre sa vie à son travail. Je fais le vœu que son décès serve minimalement à protéger la vie et l’intégrité de ceux qui restent et qui seraient susceptibles d’être dans une situation similaire », écrit MYvon Garneau dans son rapport.

Le 8 avril dernier, un camion de type « train routier » avait renversé deux travailleurs sur un chantier, après avoir percuté un véhicule atténuateur d’impact, à Saint-Cyrille-de-Wendover, sur l’autoroute 20. Pascal Cauchon, signaleur routier âgé de 39 ans, avait perdu la vie. Un autre travailleur avait également été blessé. Les deux installaient des pancartes de signalisation sur l’accotement de l’autoroute quand le drame est survenu.

PHOTO FOURNIE PAR LA CNESST

Scène de l’accident à Saint-Cyrille-de-Wendover, sur l’autoroute 20, en avril dernier

Dans son rapport, le coroner note qu’une surveillance policière lors des travaux de mise en place de l’installation de la signalisation « aurait été une mesure efficace afin que les installateurs et leur superviseur œuvrent dans des conditions de sécurité accrue ». « J’ignore encore pourquoi ce n’était pas le cas à ce moment-là. L’employeur, Location Jesna inc., m’a pourtant bien expliqué que différentes ententes existent déjà entre le MTQ et la SQ à ce sujet », affirme MGarneau.

Plusieurs mesures ont déjà été prises, notamment par l’employeur et par le gouvernement. En novembre, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) avait jugé que la signalisation inadéquate pourrait avoir provoqué l’accident.

Au moment des faits, le conducteur du train routier suivait un autre véhicule dans la voie de droite. Il n’a donc aperçu le véhicule atténuateur qu’au moment où cet autre véhicule « s’est déplacé dans la voie de gauche », selon la Commission, qui affirme que « la présence d’un autre véhicule à sa gauche » a empêché le conducteur de procéder à un changement de voie. La collision a fait dévier le camion vers les deux travailleurs, qui ont été renversés. La CNESST a alors recommandé d’appliquer la signalisation sur ce type de chantiers sans entraver la voie de droite.

Dans son rapport, le coroner précise toutefois qu’à son avis, le conducteur du train routier « ne prend pas en considération le mouvement des véhicules qui changent de voie avant l’impact ». « Il ne ralentit pas, ne fait aucune action pour essayer d’éviter l’impact », dit Yvon Garneau.

Aller plus loin

Selon le coroner, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) devra « intensifier » ses efforts d’éducation auprès des conducteurs de véhicules « quant à l’importance de respecter le corridor de sécurité mis en place lors de travaux sur le réseau routier ».

MGarneau recommande aussi au ministère des Transports d’installer un panneau à messages variables (PMV) « le plus près du chantier » et d’annoncer « toute entrave de voie » en temps réel. Québec devrait aussi « se concerter avec la Sûreté du Québec » pour une surveillance policière « accrue » durant l’installation des éléments de signalisation.

Le coroner presse Québec d’« abaisser la vitesse à 70 km/h pour les travaux de courte durée pour l’installation et l’enlèvement des dispositifs de signalisation », ou encore d’« augmenter les amendes et les points d’inaptitude des conducteurs de véhicules lors du non-respect du corridor de sécurité ». Il suggère au gouvernement et à la CNESST de mener « des activités de sensibilisation (ex. campagne et autres) afin de renforcer la sécurité des travailleurs ».

Hausse « d’année en année »

À l’Association des travailleurs en signalisation routière du Québec (ATSRQ), le président Jean-François Dionne déplore que le nombre d’accidents impliquant des signaleurs routiers « ne cesse d’augmenter d’année en année ». « Depuis 2016, c’est 70 travailleurs qui ont été blessés. Les primes d’assurance ont quadruplé pour les employeurs. En moyenne, c’est un accident mortel par an depuis 2012 », explique-t-il.

Pour lui, les recommandations du coroner « sont un bon début ». Il affirme qu’il faut « surtout » plus de surveillance. « On sait très bien que les gens ne vont pas ralentir à 70 km/h s’il n’y a plus de patrouilleurs ou de radars photo. Ça nous prend des actions concrètes, sinon ça ne changera pas grand-chose », insiste M. Dionne.

Il propose d’être « beaucoup plus sévère » et d’imposer jusqu’à six points d’inaptitude pour les automobilistes dépassant les limites sur un chantier. « Le Québec pourrait même aller au même niveau qu’un évènement impliquant un bus scolaire, c’est-à-dire neuf points », glisse-t-il, en rappelant que plusieurs États américains vont déjà en ce sens.

« Les automobilistes, il faut qu’ils comprennent que ce qu’ils ont entre les mains, c’est une arme. Ça peut tuer », insiste M. Dionne.

Dénonçant le « laxisme » des autorités, son groupe presse les ministres François Bonnardel et Geneviève Guilbault, ainsi que la Sûreté du Québec, de prendre les mesures nécessaires pour « faire respecter le corridor de sécurité », en s’assurant que les signaleurs ne soient pas « laissés seuls face à des conducteurs imprudents ».