(Ottawa) Le Canada évalue sérieusement la possibilité d’emboîter le pas à la France et à plusieurs autres pays européens qui ont expulsé en masse des diplomates de la Russie dans la foulée de la découverte de massacres qui auraient été commis par les forces russes près de Kyiv.

Partageant l’indignation et la condamnation exprimées par les leaders des pays occidentaux devant les images « horrifiques » en provenance de Boutcha, au nord-ouest de Kyiv, à la suite du retrait des soldats russes, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé mardi que la Russie devait être tenue responsable de chaque crime commis par ses troupes sur le territoire de l’Ukraine depuis le début de l’invasion.

« Les images qui sortent de Boutcha sont absolument horrifiques. C’est inacceptable de voir ça », a déclaré le premier ministre avant la période des questions à la Chambre des communes.

Les meurtres de civils, la violence sexuelle, les viols de façon systématique pour essayer de s’attaquer à la population ukrainienne, c’est quelque chose qui a évidemment été permis ou bien encouragé par les autorités russes. La Russie doit être tenue responsable de chaque viol, de chaque meurtre à Boutcha.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Au cabinet de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, un porte-parole a indiqué que le Canada prenait acte des décisions de ses alliés qui ont expulsé des diplomates russes et évaluait maintenant ses options.

« Le Canada dénonce le meurtre insensé de civils par les forces russes. Nous prenons en compte les décisions récentes de nos partenaires et de nos alliés d’expulser des diplomates russes. Nous discutons du sujet avec nos partenaires et nous évaluons présentement les options », a indiqué l’attaché de presse de la ministre Joly, Adrien Blanchard, dans un courriel à La Presse.

Il a ajouté que le Canada continuait « d’interpeller la Russie à cesser immédiatement toute action hostile et provocatrice contre l’Ukraine et à retirer toutes forces militaires du pays ».

Boutcha change la donne

Dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Parti conservateur a pressé le gouvernement Trudeau d’expulser l’ambassadeur de Russie au Canada en guise de représailles. D’autant que l’ambassadeur, selon les conservateurs, ne fait que répéter la « propagande » et la « désinformation » du président Valdimir Poutine.

Le premier ministre Justin Trudeau avait alors indiqué qu’un tel geste était délicat parce que Moscou pourrait imposer la même médecine aux diplomates canadiens, ce qui pourrait ne pas être dans l’intérêt du pays.

« Nous devons équilibrer cela [par rapport à] l’impact positif qu’il peut y avoir, que des diplomates canadiens à Moscou peuvent avoir [pour] comprendre ce qui se passe avec la population russe, [pour] soutenir les gens sur le terrain et aider les Canadiens qui pourraient se retrouver pris en Russie en ce moment », a-t-il déclaré au début de mars.

Mais les images d’horreur qui ont été diffusées en provenance de Boutcha changent la donne, indique-t-on en coulisses.

PHOTO RODRIGO ABD, ASSOCIATED PRESS

Une femme se tient dans un secteur dévasté de Boutcha, au nord-ouest de Kyiv, d’où proviennent depuis quelques jours déjà des images d’horreur.

Après la France et l’Allemagne, lundi, l’Italie, l’Espagne et la Slovénie ont à leur tour expulsé mardi en masse des diplomates russes en guise de sanctions.

Cette décision a marqué une nouvelle dégradation des relations entre les pays occidentaux et la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, il y a six semaines.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a aussi annoncé mardi avoir décidé de déclarer « persona non grata » plusieurs membres de la représentation de la Russie auprès de l’Union européenne à cause d’« activités contraires » à leur statut de diplomate, sans dire combien ni la date de leur expulsion.

L’Allemagne a annoncé qu’elle expulsait « un nombre élevé » de diplomates russes en poste à Berlin. D’après des informations de l’AFP, leur nombre s’élèverait à 40.

Pour sa part, la France a décidé d’expulser 35 diplomates russes « dont les activités sont contraires à [ses] intérêts », selon une source proche du ministère français des Affaires étrangères. L’Italie a décidé d’expulser 30 diplomates russes pour des raisons de « sécurité nationale ».

La Russie a continué de rejeter toute implication, dénonçant une « mise en scène » ukrainienne visant, selon Moscou, à dénigrer l’image des soldats russes.

Avec l’Agence France-Presse