Pour éviter d’autres décès comme celui de Jean-Philippe Gaudreau, mort en 2019 dans la rue Saint-Hubert, à Montréal, après avoir reçu à la tête un morceau d’une lame de scie ronde qui s’était brisée, deux entrepreneurs doivent prendre des mesures pour mieux protéger le public sur leurs chantiers de construction, selon un rapport du Bureau du coroner.

Avant de s’effondrer au sol, M. Gaudreau marchait tout bonnement sur l’artère commerciale, alors que des ouvriers coupaient des blocs de béton, à moins de quatre mètres de lui.

L’absence de périmètre de sécurité autour du chantier et la mauvaise utilisation de la scie ont contribué à la mort de l’homme de 36 ans, indique la coroner Marie-Pierre Charland dans son rapport déposé le 18 février dernier. Mais elle conclut à un décès accidentel.

Trois entreprises étaient concernées par ce chantier : Eurovia, maître d’œuvre du projet de réfection de la rue Saint-Hubert, son sous-traitant Bau-Québec et le sous-traitant de ce dernier, Paysagiste Promovert.

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Jean-Philippe Gaudreau

La coroner Charland fait référence aux enquêtes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour faire le portrait des évènements, en plus de citer le dossier médical de Jean-Philippe Gaudreau.

C’est un ouvrier de Promovert qui manipule la scie circulaire à béton, sur le trottoir de la rue Saint-Hubert, le 30 août 2019. À 14 h 18, une dent de la scie se détache et atteint près de l’œil droit M. Gaudreau, qui perd connaissance. L’ouvrier ne se rend compte de rien, c’est un passant qui le prévient.

Transporté à l’hôpital, M. Gaudreau, dans le coma, subit d’urgence une opération au cerveau, d’où l’on retire la pièce de métal, longue de 4 cm et large de 5 mm. Le jeune homme meurt cependant le lendemain.

Trois causes

Selon le rapport de la CNESST, trois causes sont retenues pour expliquer l’accident. D’abord, la scie à béton serait entrée en contact avec du métal, et aurait été utilisée dans un axe de 45 degrés, ce qui ne respectait pas les consignes du fabricant de l’outil. Ensuite, le fabricant recommande une distance de sécurité de 15 mètres autour des travaux, qui n’a pas été respectée. Puis, aucune signalisation pour les véhicules ou les piétons n’était en place, puisque les ouvriers effectuaient des corrections mineures, alors que les travaux auraient déjà dû être terminés.

Promovert a payé une amende de 2400 $ à la CNESST à la suite des évènements.

Dans son rapport, la coroner Charland recommande à Bau-Québec et à Promovert, pour « protéger le droit à la vie », « de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection du public lors de travaux sur un chantier de construction, comme c’est prévu dans le Code de sécurité pour les travaux de construction, afin d’éviter qu’un tel évènement se reproduise ».

Elle suggère aussi que son rapport soit transmis à la Ville de Montréal et à la Régie du bâtiment du Québec.

Inquiétude

La coroner s’inquiète cependant du fait que, dans ses communications avec Promovert et Bau-Québec, aucune des deux entreprises n’a indiqué avoir l’intention de changer ses méthodes de travail.

Stéphane Provost, propriétaire de Promovert, est en désaccord avec cette affirmation de la coroner. Au contraire, il affirme avoir inventé un panneau d’aluminium destiné à protéger les scieurs et le public, après l’accident de 2019. « Il n’y a pas eu de poursuite contre nous, c’est vraiment un accident, souligne-t-il. C’est un drame et c’est regrettable. »

Denis Huard, de Bau-Québec, assure aussi avoir changé plusieurs méthodes de travail dans son entreprise depuis le drame, pour que les chantiers soient plus sécuritaires. « J’ai pleuré comme un enfant quand c’est arrivé », confie-t-il, encore ébranlé par les évènements. « On ne peut pas rester indifférent à un accident comme ça. C’est malheureux ce qui est arrivé, mais on a appris de cet accident. »