L’anxiété est montée d’un cran pour la communauté ukrainienne de Montréal mardi lorsque la menace d’une invasion militaire de la Russie en Ukraine est devenue réalité.

« C’est simplement triste qu’en 2022, il y ait un comportement comme ça en Europe », affirme Yourko Kulycky, Québécois d’origine ukrainienne, faisant référence aux menaces de la Russie. Bien que nés à Montréal, M. Kulycky et sa femme ont toujours de la famille en Ukraine, pour laquelle ils se font un sang d’encre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Yourko Kulycky, Québécois d’origine ukrainienne

Rappelons que, lundi, le président de la Russie, Vladimir Poutine, a déclaré reconnaître l’indépendance de Donetsk et de Lougansk, deux territoires prorusses de l’est de l’Ukraine avant d’ordonner à son armée d’entrer dans ces régions. Une avancée qualifiée de « début d’invasion russe de l’Ukraine » par le président des États-Unis, Joe Biden, mardi. Nombre de pays occidentaux ont déjà annoncé des sanctions économiques envers la Russie.

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont le Canada fait partie, a aussi déclaré être préparée à une attaque d’envergure.

Le Canada abrite la troisième population ukrainienne en importance au monde, après l’Ukraine et la Russie, soit plus de 1 300 000 personnes en 2016. De ce nombre, 42 550 vivaient alors au Québec. Plus de la moitié d’entre elles étaient établies à Montréal.

Ces milliers de Québécois regardent aujourd’hui avec inquiétude ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique.

« C’est surtout les risques pour la vie des jeunes femmes et des jeunes hommes [qui nous effraient] », explique Yourko Kulycky. Il y a maintenant une conscription en Ukraine, rappelle-t-il, c’est-à-dire que la population doit se soumettre à un service militaire et sera mobilisée en cas de conflit avec la Russie.

En décembre dernier, l’Ukraine a élargi la conscription aux femmes de 18 à 60 ans qui ont la forme physique requise pour faire face à la menace russe, rapportait Military.com.

Lisez l’article du site Military.com (en anglais)

« Il n’y a pas de raisons »

Malgré l’escalade des tensions des dernières semaines, Yourko Kulycky espérait qu’un conflit armé soit évité.

On ne pensait jamais que ça s’amplifierait comme ça. On dirait qu’on retourne 100 ans en arrière avec l’attitude et les comportements de M. Poutine.

Yourko Kulycky, Québécois d’origine ukrainienne

« On est bouleversés parce qu’on ne voit pas de raisons [à ce qui se passe] », souligne Alexandre Melnyk. Aujourd’hui retraité, le docteur en chimie est arrivé au Québec au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à l’âge de 4 ans. « Vladimir Poutine est fou, estime M. Melnyk. L’Ukraine n’a attaqué personne, elle est en mode défensif ! »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Alexandre Melnyk, d’origine ukrainienne, et sa femme, Claudia Melnyk

Selon lui, les chances de la Russie de gagner une guerre en Ukraine sont minces.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Alexandre Melnyk, docteur en chimie aujourd’hui retraité arrivé au Québec d’Ukraine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

Si les Russes commencent à entrer sur le territoire, il va y avoir des opposants, du sang. Personne ne veut ça.

Alexandre Melnyk

Le septuagénaire est aussi inquiet pour sa famille éloignée, dont il est sans nouvelles. Celle-ci vit dans le nord de l’Ukraine, près de la frontière russe. « Les gens ont peur de parler, ils font attention, fait remarquer M. Melnyk. Ils sont inquiets qu’il y ait des représailles [si les Russes en viennent à envahir le pays]. »

Communauté solidaire

Chez Zytynsky’s Deli, petit marché ukrainien situé à l’angle de la rue Beaubien et de la 12e avenue, dans Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, les charcuteries et les pâtisseries traditionnelles réconfortent la clientèle. « Je m’inquiète beaucoup, parce que les Ukrainiens sont très, très gentils », note Joana Lapaitis, 98 ans. La dame d’origine lituanienne, arrivée à Montréal en 1947, fait ses courses avec sa fille. « Poutine, va-t’en ! », lance-t-elle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Chez Zytynsky’s Deli, la clientèle est en grande partie originaire d’Europe de l’Est.

Les pays de l’est de l’Europe doivent décider de s’opposer à la Russie, croit aussi Andrzej Grzeszczarowski, autre client d’origine polonaise. « Les Russes sont de bonnes personnes, comme nous, soutient-il. Le problème, c’est le dictateur [Vladimir Poutine]. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

De l’avis d’Andrzej Grzeszczarowski, d’origine polonaise, le problème, « c’est [Vladimir Poutine] ».

Au comptoir, Angel Zytynsky sert sa clientèle, notamment d’Europe de l’Est, depuis 36 ans. Bien qu’elle-même soit née à Montréal, elle constate que le conflit bouleverse la communauté. « Le fils d’un de mes clients travaille pour le gouvernement canadien en Ukraine, et ils ont été déplacés de Kiev à Lviv [dans l’ouest du pays], raconte-t-elle. Sa femme et ses enfants sont revenus et ils sont vraiment inquiets. »

En savoir plus
  • 20 millions
    Membres de la diaspora ukrainienne dans le monde en 2017
    source : The ukrainian weekly