(Ottawa) La manifestation qui a paralysé la capitale fédérale pendant trois semaines pousse maintenant certains responsables à réclamer des changements sur la colline du Parlement, y compris la fermeture permanente de la rue Wellington à la circulation automobile.

Après avoir été très pris par la crise dans sa cité, le maire Jim Watson a déclaré mercredi qu’Ottawa devait maintenant envisager des changements pour mieux protéger les quartiers centraux et la colline du Parlement.

« Chaque fois qu’il y a eu une faille de sécurité sur la colline du Parlement, cela a agi comme un catalyseur de changement », a déclaré M. Watson mercredi, lors d’une réunion du conseil municipal.

Alors que la Ville discutait des changements à apporter à la colline du Parlement, la police surveillait des groupes de manifestants qui semblent s’être regroupés dans de petites villes à l’est et à l’ouest d’Ottawa — à Arnprior et Vankleek Hill.

Le premier changement apporté à Ottawa sera la fermeture temporaire de la rue Wellington à tous les véhicules, sauf le transport en commun, les piétons et les cyclistes. Cette rue, qui longe directement la colline du Parlement, restera fermée jusqu’à ce qu’un nouveau conseil municipal soit élu et que la Ville puisse élaborer un plan, avec le gouvernement fédéral, pour modifier la sécurité dans tout le secteur.

« Nous ne voulons pas, à court ou à long terme, qu’un autre convoi vienne envahir cet espace très important, que je considère comme la rue la plus importante du pays », a déclaré M. Watson.

La police a délogé la manifestation du centre-ville d’Ottawa en fin de semaine, après que le premier ministre Justin Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, la semaine dernière. Il a finalement révoqué le recours à cette loi mercredi après-midi, affirmant que l’ordre avait été rétabli au pays et que la manifestation et les autres blocages étaient terminés.

Une rare accessibilité

Le siège du pouvoir politique au Canada est remarquablement accessible au grand public, et est situé à proximité de commerces et d’immeubles résidentiels. La pelouse devant l’édifice du Centre est accessible à pied aux manifestants et aux pique-niqueurs, et la rue Wellington est une artère majeure de la capitale fédérale.

Depuis que les manifestants ont été chassés de la ville, la « cité parlementaire », y compris la rue Wellington, a été bouclée et est accessible uniquement aux personnes qui travaillent dans le secteur.

Catherine McKenney, qui représente un district du centre-ville d’Ottawa au conseil municipal, a lancé l’idée de demander à la Ville d’entamer des discussions pour transférer la propriété de cette rue — et sa sécurité — au gouvernement fédéral.

La rue Wellington longe, d’un côté, la colline du Parlement, et de l’autre côté le bureau du premier ministre, l’Amphithéâtre national de la presse, la Bibliothèque du Parlement et d’autres édifices d’importance nationale. Lors de la manifestation, « l’entière responsabilité incombait à la Ville de défendre et de protéger la rue Wellington », a déclaré Catherine McKenney lors de la réunion du conseil mercredi.

Catherine McKenney suggère aussi de travailler avec les fonctionnaires fédéraux et la communauté ottavienne pour fermer définitivement la rue Wellington à la circulation automobile.

Comme « Pennsylvania Avenue »

Dans une déclaration écrite, la ministre fédérale des Services publics, Filomena Tassi, a rappelé que la rue Wellington était effectivement de responsabilité municipale, mais que l’idée de la fermer à la circulation était déjà évoquée depuis longtemps dans le cadre d’un réaménagement de la colline du Parlement.

Des modifications similaires avaient été apportées à Washington à la section de Pennsylvania Avenue qui passe devant la Maison-Blanche en 1995, lorsque l’attentat à la bombe d’Oklahoma City a mis les États-Unis en alerte face aux périls du terrorisme intérieur. Cette fermeture est devenue permanente à la suite des attentats du 11 septembre 2001, bien que les piétons puissent toujours déambuler dans cette rue.

Le directeur municipal d’Ottawa a déclaré mercredi que la région de la capitale nationale devait commencer à se voir différemment de toute autre partie du pays et que les problèmes de compétence en matière de sécurité dans la région devaient être repensés.

« Vous vous retrouvez avec un décalage par rapport à la rapidité avec laquelle les différentes organisations doivent intervenir », a déclaré Steve Kanellakos lors de la réunion du conseil mercredi.

Chaos après l’attentat de 2014

Ce n’est pas la première fois que ces décalages posent problème, a rappelé M. Kanellakos. Des frustrations similaires avaient été ressenties lorsque le centre-ville d’Ottawa a été bouclé, en 2014, quand un tireur se baladait dans la capitale. Il a tué le caporal Nathan Cirillo, soldat canadien et réserviste en sentinelle de cérémonie au Monument commémoratif de guerre du Canada, avant d’entrer dans les édifices du Parlement, où il a été abattu.

M. Kanellakos croit que la région de la capitale nationale devrait se doter d’un plan d’urgence permanent, qui réunirait les gouvernements municipal, provincial et fédéral, et possiblement la Ville de Gatineau, de l’autre côté de la rivière des Outaouais.

Il existe un mécanisme pour rassembler tous les acteurs clés, mais il n’est pas formel et n’est pas mis en place pour répondre aux évènements majeurs, a déclaré l’ancien chef de la police d’Ottawa, Charles Bordeleau, en entrevue mercredi.

La Ville d’Ottawa estime que la manifestation antigouvernementale lui a coûté environ 30 millions. L’administration municipale se tournera maintenant vers les gouvernements fédéral et provincial pour couvrir ces frais inattendus.