(Québec) La Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Québec demandera au maire Bruno Marchand des mesures fortes en faveur de la piétonnisation dès l’été prochain pour répondre aux défis de la pandémie.

Son directeur rêve même à terme d’une piétonnisation quasi complète du quartier historique et cite la ville de Dubrovnik en exemple. « Si je pousse ma vision au bout, le Vieux-Québec devient piétonnier au complet », lance sans détour le directeur de la SDC, Donald Gilbert, en entrevue avec La Presse.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Donald Gilbert, directeur de la Société de développement commercial du Vieux-Québec

Le site du patrimoine mondial de l’UNESCO a été frappé de plein fouet par la pandémie. Les fonctionnaires et les touristes ont en partie délaissé le Vieux-Québec. Le nombre de locaux vacants est élevé.

Les commerçants cherchent des solutions, et les rues piétonnes en sont une. La SDC rencontrera bientôt le maire Bruno Marchand. Elle proposera notamment que la rue Saint-Louis soit réservée aux piétons dès l’été prochain.

Mais Donald Gilbert veut aussi réfléchir plus largement à l’avenir du quartier historique. L’homme entend relancer l’idée d’une large piétonnisation, pour ramener clients, touristes et résidants entre les vieux murs.

« J’ai eu une rencontre au mois d’août avec des gens de développement économique. J’avais parlé de fermer le Vieux-Québec. Évidemment, il y a eu des réactions, il y a eu beaucoup d’objections », raconte M. Gilbert.

« Quand je dis “fermer”, je parle de rendre le Vieux-Québec entièrement piétonnier, en gardant bien sûr un accès pour les véhicules d’urgence. Pourquoi pas ? Dubrovnik le fait », dit-il, faisant référence à cette ville croate qui interdit les voitures dans son cœur historique.

« Copenhague a une rue commerciale de 1,6 km complètement piétonnière. Pourquoi pas ? », relance-t-il. Le directeur de la SDC n’a pas soumis de plan précis à la Ville. Mais il dit vouloir susciter la discussion.

La pandémie, une occasion

La pandémie a durement frappé de nombreux commerçants du Vieux. Les restaurateurs ont perdu de nombreux clients d’affaires avec le télétravail. Leurs salles à manger ont été fréquemment fermées.

Le nombre de touristes a aussi radicalement baissé, notamment en provenance des bateaux de croisière.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le nombre de touristes dans le Vieux-Québec a radicalement diminué depuis le début de la pandémie, comme en témoigne cette photo prise en juillet 2020 au pied du Château Frontenac.

La piétonnisation de la rue Saint-Jean – en place depuis de nombreuses années – a toutefois été une bouée de sauvetage pour beaucoup. Des restaurateurs ont pu ajouter des places à l’extérieur et sauver la belle saison, fait remarquer M. Gilbert.

Sur rue Saint-Louis, plusieurs regardent Saint-Jean et se disent : “Pourquoi eux et pas nous ?”

Donald Gilbert, directeur de la SDC

M. Gilbert a réfléchi à une manière de piétonniser le Vieux. Il soumet par exemple l’idée de garder quelques rues ouvertes aux voitures pour accéder au cœur du quartier.

Le télétravail des fonctionnaires a libéré de nombreuses places dans de grands stationnements du Vieux, note-t-il. Celles-ci pourraient être offertes aux résidants et aux touristes à prix préférentiel.

Il pense que cette idée pourrait plaire aux commerçants, mais aussi aux résidants du quartier.

« Ce qui est particulier dans le Vieux-Québec, c’est qu’il n’y a pas de lieux de rassemblement pour les résidants, pour jouer à la pétanque ou au baseball. Il faut peut-être créer ces lieux pour repeupler le Vieux », estime-t-il.

« L’autre avantage en matière de développement durable, c’est que ça permettrait de développer la canopée dans le Vieux-Québec, d’ajouter des arbres, qu’il y ait plus d’ombre, moins de chaleur. Il y a moyen de monter quelque chose. »

Une idée qui ne date pas d’hier

L’ancien conseiller du district Cap-aux-Diamants Jean Rousseau, qui habite le Vieux-Québec, voit d’un bon œil ces idées. Il rappelle que « ça fait des décennies que des propositions sont lancées pour piétonniser davantage le Vieux-Québec », sans jamais aboutir.

Il faut des rues partagées où les autos s’adaptent au rythme des piétons. Il y a des scénarios d’aménagement où on peut réduire la place de l’auto. La piétonnisation de Saint-Jean est un succès ; jamais on ne reviendrait en arrière.

Jean Rousseau, ancien conseiller du district Cap-aux-Diamants

Le Comité des citoyens du Vieux-Québec (CCVQ) se dit prêt à s’asseoir avec la SDC pour réfléchir à la manière de faire plus de places aux piétons.

« C’est une réflexion à avoir. Ça peut être fait dans l’harmonie pour tout le monde. On serait ouverts », note le président du CCVQ, Michel Masse.

Il rappelle toutefois que le manque de stationnement est un sujet de doléances récurrent chez les habitants du Vieux. « Les véhicules des résidants ne disparaîtront pas comme ça ! », lance-t-il.

Sans se prononcer directement sur la vision de Donald Gilbert, le maire de Québec a fait savoir mercredi que le nombre de rues piétonnes devrait augmenter l’été prochain à Québec.

« Mon intention, c’est qu’on en ait plus. Mais on ne forcera pas les gens à le faire », a expliqué M. Marchand.

« En 2022 et plus loin, il faut dans chaque secteur des mini-Ramblas, comme à Barcelone, dit-il, des lieux vivants où on peut consommer sur place, qu’on puisse fermer la rue et rendre ça vivant. »