Face aux critiques, l’École de technologie supérieure (ÉTS) promet d’ajouter des femmes dans le panel de sa série de conférences sur le Québec de demain, initialement composé à 90 % d’hommes.

« Quand j’ai vu ça, je n’arrêtais pas de compter. Je me disais : “Voyons, ce n’est pas possible, cette histoire” », se souvient la fiscaliste Brigitte Alepin, qui a écrit à l’ÉTS pour faire part de son indignation.

Ce qu’elle comptait et recomptait, c’était le nombre de conférencières invitées à la série de visioconférences gratuites sous le thème « Agir sur le Québec mondialisé », dévoilée en début de semaine par l’ÉTS. Sur les 20 experts conviés à réfléchir sur l’incidence de la mondialisation sur la province, seulement 2 étaient des femmes.

Le sociologue Gérard Bouchard et son frère, l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, le politologue Stéphane Paquin et le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion comptent parmi les conférenciers qui animeront à tour de rôle des cours les samedis du 7 janvier au 19 mars.

« Je ne peux pas croire qu’on ose présenter en 2022 une conférence avec plus de 90 % d’hommes. Je ne sais pas comment l’interpréter, mais je suis vraiment déçue », se désole la fiscaliste renommée, qui s’est toujours fait un devoir de présenter une table diversifiée aux conférences de TaxCOOP, qu’elle a cofondé.

Deux femmes ajoutées

Critiquée sur les réseaux sociaux, l’ÉTS a entrepris vendredi un rééquilibrage de son panel. Deux femmes auraient été ajoutées, selon l’administration, bien qu’un seul nouveau nom soit apparu sur le site de l’école.

En entrevue avec La Presse, l’ÉTS avoue avoir été « consciente que le nombre adéquat de femmes n’avait pas été atteint » au moment de dévoiler le programme. Or, comme la série de conférences est avant tout un cours offert aux étudiants de la session d’hiver 2022, en complément de leur cursus scolaire, l’école a préféré aller de l’avant.

« On a tardé au maximum pour présenter cette programmation, mais le premier cours est [ce samedi] », a justifié le directeur aux affaires publiques et aux relations gouvernementales à l’ÉTS, Jean-Alexandre D’Etcheverry. Il affirme qu’une dizaine d’expertes avaient été sollicitées, mais que l’administration s’était butée à de nombreux refus et absences de réponse.

Son équipe planche en ce moment sur différents moyens d’augmenter le nombre de femmes, notamment par des conférences de deux ou trois invités. « On a espoir de réussir », soutient M. D’Etcheverry.

Brigitte Alepin, qui a salué le virage de l’ÉTS, espère que les efforts de l’administration ne s’arrêteront pas ici : « Ça n’a pas besoin d’être 50-50, mais ça ne peut pas être 90-10. Tant qu’il n’y aura pas un meilleur rééquilibrage, je ne m’inscrirai pas. »

« Quand on se permet de consacrer une série de conférences sur un sujet aussi important que le Québec de demain, on doit inviter à la table de réflexion des experts qui, globalement, vont donner une réponse représentative », a souligné Mme Alepin, qui critique aussi le manque de diversité dans la programmation.

Corriger les erreurs

« Ça a fait ouch en dedans. C’était presque instinctif. Deux femmes, quessé ça ? », s’est exclamée l’ex-comédienne Marie-Josée Caya, aujourd’hui femme d’affaires, qui a aussi communiqué avec l’ÉTS pour dénoncer la situation. Ça lui a fait d’autant plus mal qu’il y a un mois presque jour pour jour, le Québec commémorait la tuerie de Polytechnique.

« J’avais l’impression qu’il y avait un éveil dans le milieu ingénieur. Mais là, de voir ça d’une école d’ingénierie… C’est venu me chercher », a confié Mme Caya.

Le but ici n’est pas de jeter des pierres, assure-t-elle, mais plutôt de corriger les erreurs qui ont été commises, de faire mieux pour le Québec de demain, justement.

« Je suis convaincue qu’il n’y a pas eu de mauvaise volonté, mais que les choses se sont faites vite. C’est un réflexe. Notre culture a été masculine pendant tellement longtemps que c’est comme un réflexe en dedans de nous, et qu’on est en train de changer. »