Le chef de police de Montréal a révélé jeudi soir qu’il envisageait la fermeture de postes de quartier afin de reprendre le contrôle du budget de son service. Le service a besoin d’un « nouveau modèle », estime-t-il.

Sylvain Caron a fait valoir que le maintien de 30 antennes éparpillées sur le territoire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) était trop coûteux en argent et en personnel.

« Je ne crois plus à la structure actuelle », a-t-il dit devant les élus municipaux chargés de passer en revue les services municipaux. « Il faut sortir de la structure dans laquelle on est actuellement si on veut survivre. »

« Si on maintient la situation actuelle de 30 postes de quartier sur l’île de Montréal, il va manquer 250 policiers, a-t-il continué, en audience virtuelle. Actuellement, je maintiens des bâtiments et je mets des policiers dans des bâtiments […], alors que mes policiers devraient être sur la route. »

On est partout sur le territoire et en même temps on n’est nulle part. On est divisés en 30 postes de quartier. Trouvez-moi une ville en Amérique du Nord qui a 30 postes. Ça ne nous aide pas.

Sylvain Caron, chef du Service de police de la Ville de Montréal

L’administration Plante n’a pas rejeté d’emblée le plan de M. Caron, mais indique ne pas avoir reçu de « demande formelle » en ce sens. Il y a deux ans, elle avait essuyé de vives critiques dans la communauté anglophone après avoir donné son feu vert à la fermeture du poste de quartier de Notre-Dame-de-Grâce, fusionné à celui de Côte-Saint-Luc.

La Fraternité des policiers et policières de Montréal n’a pas voulu réagir jeudi soir.

Le chef de police répondait à la question du maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, qui voulait une promesse de ne pas fermer de postes de quartier au cours des prochaines années. M. Caron est parti en direction complètement inverse.

« En tant que maire, on veut que nos communautés soient sécuritaires et que nos citoyens sentent qu’ils sont en sécurité », a affirmé le maire d’arrondissement en entrevue par la suite. M. DeSousa, dont l’arrondissement a perdu un poste de quartier il y a 15 ans, a dit espérer que « personne n’ait la mauvaise surprise d’apprendre que son poste de quartier va disparaître ».

Dépassements budgétaires récurrents

Le chef Sylvain Caron venait présenter le budget de son service pour 2022 et ses états financiers de 2021. Pour la cinquième année de suite, la police a largement dépassé le budget (pourtant croissant) qui lui était affecté. Un dépassement de 51 millions en 2021, attribué par l’état-major du SPVM à la flambée de violence armée et à la pandémie. Son budget 2022 est en croissance de 6 %, l’augmentation la plus élevée de tout l’appareil municipal.

Devant les membres de la Commission des finances de la Ville, Sylvain Caron a reconnu que la situation financière de son service n’était pas tenable.

« On cherche à trouver un nouveau modèle pour vous [servir], qu’on soit plus efficients, plus efficaces, a-t-il dit. Et qu’on arrête d’augmenter les coûts. »

On veut stabiliser les coûts de la police à Montréal.

Sylvain Caron, chef du Service de police de la Ville de Montréal

Au centre du nouveau modèle, que M. Caron promet de présenter en 2022 et dont il aurait déjà informé le directeur général de la Ville : la remise en question du modèle de police de quartier instauré à Montréal il y a 25 ans.

« Est-ce que le poste de quartier est un gage de sécurité ? Un poste de quartier, ça sert à se changer [pour] aller faire du travail », a-t-il dit. « Il faut trouver l’adéquation idéale : avoir une présence policière au moment où on en a besoin, à l’endroit où on en a besoin, mais pas avoir des policiers pour une structure. Il faut sortir de la structure. Il faut avoir des policiers et des policières dans la rue. »

Il a indiqué qu’en date de cette semaine, le SPVM comptait 4308 policiers, une baisse importante par rapport aux 4507 que comptait le service au 31 décembre 2020.

Anne Chamandy, directrice des communications du SPVM, a expliqué juste après que la répartition des policiers sur l’île de Montréal dépendait de variables parfois obsolètes. La diversité ethnique ou la densité d’un quartier n’est pas prise en compte dans la distribution des effectifs, alors que ces variables peuvent avoir un impact sur la durée des interventions, a-t-elle illustré. « Il y a beaucoup d’indicateurs nouveaux en 2022 dont on devra tenir compte », a-t-elle fait valoir.

« Une présence terrain sur l’ensemble du territoire »

En réaction, l’administration Plante a affirmé qu’elle attendrait les propositions concrètes du SPVM avant de prendre une décision.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Vaillancourt, chargé des dossiers de sécurité publique

« Nous n’avons pas reçu de demande formelle du SPVM sur la fusion de postes de quartier à l’heure actuelle, a indiqué Alain Vaillancourt, chargé des dossiers de sécurité publique, dans une déclaration transmise par écrit. Si c’est un besoin que nous exprime formellement le corps de police, nous allons attentivement évaluer leurs propositions. »

Il a ajouté : « Une chose est certaine, nous partageons la même volonté que le SPVM, avoir un service de police toujours plus efficace, près de la population avec une présence terrain sur l’ensemble du territoire pour assurer la sécurité des Montréalais. »

Tard jeudi soir, le SPVM n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

La Presse n’a pas pu interroger M. Caron au cours de la période de questions du public de la Commission des finances, son président ayant jugé que les médias devaient en être exclus. Le SPVM avait pourtant demandé à La Presse de soumettre ses questions au cours de l’audience.

724 millions

Budget du SPVM pour l’année 2022, en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente

Source : budget de la Ville de Montréal

4308

Nombre de policiers au 5 janvier 2022, en baisse de 4 % par rapport à l’année précédente

Source : présentation de Sylvain Caron à la Commission des finances

Quelques dates

1995

Naissance de la police de quartier, une stratégie qui vise à rapprocher police et citoyens. Au total, 49 postes de quartier sont créés à travers Montréal.

2002

Fusions municipales. Le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM) devient le SPVM. Il survivra aux défusions.

2014

Après une décennie d’« optimisation », 33 postes de quartier survivent à Montréal. Plusieurs postes sont fusionnés afin de réaliser des économies.

2020

L’annonce de la fermeture du poste de quartier de Notre-Dame-de-Grâce soulève la colère de l’opposition à l’hôtel de ville. La fusion avec le poste de Côte-Saint-Luc ira quand même de l’avant.

2022

Au printemps 2022, Parc-Extension perdra son poste de quartier 33, qui fusionnera avec le poste 31. Il s’agit de la plus récente fermeture. Montréal comptera alors 30 postes de quartier.