Certains passagers du vol de Sunwing ayant réuni une centaine de fêtards perturbateurs auraient utilisé un faux passeport vaccinal, alors que d’autres n’en avaient pas du tout, ont confié des sources à La Presse. De retour au pays, l’organisateur controversé du party estime avoir pris toutes les précautions nécessaires avant le vol.

D’après nos renseignements, plus d’une centaine de passagers étaient déjà embarqués et auraient été assis dans l’appareil lorsque les employés de la compagnie aérienne auraient réalisé que les passeports vaccinaux auraient dû être demandés, sans que l’on sache si cela a été fait ou non.

Des sources nous ont indiqué que plusieurs des voyageurs auraient eu un faux passeport vaccinal ou n’en auraient pas eu du tout.

Selon nos informations, 187 passagers ont pris le vol nolisé de la compagnie torontoise Sunwing le 30 décembre dernier pour se rendre dans la région de Cancún, au Mexique.

Un certain nombre de ces voyageurs sont revenus sur un vol d’Air Canada à l’aéroport Trudeau, à Montréal, mercredi soir. Selon nos informations, 28 passagers de ce vol auraient fait l’objet d’un avis de guet, notamment pour des raisons de santé publique.

À leur arrivée, ces passagers ont été rencontrés durant quelques heures par des agents des services frontaliers et des agents de santé publique. Des enquêteurs de Transports Canada auraient aussi été présents.

La Presse a demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) combien de ces passagers avaient un passeport vaccinal valide et combien avaient téléchargé l’application ArriveCAN, sur laquelle ils auraient dû enregistrer leur passeport vaccinal et indiquer les résultats de leurs tests de dépistage de la COVID-19.

« L’Agence des services frontaliers du Canada est liée par la Loi sur la protection des renseignements personnels et nous ne pouvons pas donner d’information sur un voyageur ou un groupe de voyageurs en particulier », a répondu une porte-parole de l’ASFC, Judith Gadbois-St-Cyr.

Celle-ci a toutefois ajouté que tous les voyageurs étaient tenus par la loi de répondre honnêtement à toutes les questions et que le fait de donner de faux renseignements était une infraction grave qui pouvait entraîner une amende ou des accusations criminelles.

« Une personne qui présente de faux renseignements sur son statut vaccinal ou des résultats de tests de COVID-19 falsifiés pourrait être passible d’une amende pouvant atteindre 750 000 $, d’une peine d’emprisonnement de six mois, ou les deux », a affirmé la porte-parole.

Embarquement refusé

Les passagers arrivés mercredi soir ont pu embarquer sur un vol d’Air Canada malgré le refus annoncé par la compagnie parce que tous les noms des passagers festifs n’avaient pas encore été traités dans les systèmes, et qu’ils ont pu ainsi passer entre les mailles du filet.

Le manifeste de passagers de Sunwing n’a pas été transmis à Air Canada ; il a donc été difficile d’empêcher des passagers de ce vol d’embarquer dans son appareil, a déclaré la compagnie par courriel.

« Comme nous l’avons indiqué, dans la mesure où il est possible pour nous d’identifier les passagers qui faisaient partie du groupe, nous leur refusons l’embarquement afin d’assurer la sécurité des autres passagers et de nos équipages. C’est pour cette raison que nous avons refusé l’embarquement à 15 personnes [mercredi] et à quatre autres [jeudi] matin. »

D’autres passagers du vol tumultueux du 30 décembre pourraient être revenus au Canada par d’autres points d’entrée, ou le feront dans les prochains jours.

Dans un échange écrit avec La Presse, James William Awad, l’organisateur du voyage, a affirmé qu’il n’était « pas au courant qu’il y [avait] beaucoup de non-vaccinés » dans le vol de Sunwing nolisé par son entreprise 111 Private Club.

M. Awad a fait valoir que « le Mexique n’oblige pas le vaccin » et affirme que le transporteur n’a « pas demandé à tout le monde de fournir une preuve vaccinale ». Il assure également être « doublement vacciné ». « Et je conseille à tout le monde de le faire », écrit-il.

La compagnie Sunwing n’a donné suite à aucune des demandes envoyées par La Presse depuis le début de cette controverse.

L’organisateur se défend

Malgré les critiques qui fusent, l’organisateur controversé de la fête aérienne a dénoncé la décision de Sunwing d’annuler le vol de retour.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JAMES WILLIAM AWAD

James William Awad

« J’ai accepté toutes ses conditions incluant la présence des gardes tout en les assurant que les mesures établies allaient être respectées », écrit James William Awad, surnommé Senior, dans un communiqué diffusé jeudi sur Twitter.

Selon ses dires, il a rencontré un représentant de la sécurité de Sunwing mardi pour discuter des conditions du vol. On lui imposait notamment la présence d’agents de sécurité à ses frais, le port de masques d’intervention en tout temps et un test PCR négatif pour tous. Le vol aurait été exempt d’alcool, et les passagers auraient dû rester assis avec leur téléphone cellulaire bien rangé tout au long du vol.

James William Awad affirme ne pas avoir conclu l’entente puisque Sunwing aurait refusé de fournir des repas aux passagers pendant le vol.

« Ils ont annulé notre vol basé sur des présomptions et les autres compagnies aériennes ont fait de même », critique-t-il.

« Je peux comprendre pourquoi les citoyens peuvent être fâchés à la suite des évènements. Étant une personne qui aime rassembler les gens, je m’étais engagé à faire un évènement privé en toute sécurité », assure M. Awad.

Il estime avoir exigé des consignes sanitaires plus strictes que celles du pays de destination. Selon lui, les passagers ont dû être testés à Montréal avant le départ pour Cancún même si aucun test n’est exigé pour entrer au Mexique.

Il explique avoir loué un « avion privé » – faisant référence ici au vol nolisé – pour assurer la sécurité de tous.

M. Awad dit travailler « sans relâche » pour assurer un retour en toute sécurité à Montréal le plus rapidement possible aux voyageurs qui demeurent coincés là-bas.

En 2015, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé une « mise en garde » formelle contre James William Awad, qui portait à l’époque un autre prénom. Le Lavallois avait alors sollicité des investisseurs sur Facebook sans détenir de permis ni posséder les compétences pour faire une telle activité. Le tribunal de l’AMF lui avait ordonné de cesser les activités de sa firme KJRVS inc., en plus de payer des amendes.

Les vols nolisés sont facilement accessibles au Québec, explique Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile. « À partir du moment où vous pouvez payer et que vous n’êtes pas sur la liste noire du transporteur et de la sécurité, c’est possible. »

Il se questionne sur la rapidité avec laquelle Sunwing s’est engagée à transporter le groupe de M. Awad. L’organisateur annonçait qu’un « vol en avion privé avec DJ » était inclus dans le voyage. « La responsabilité de la compagnie sur ce plan, c’est de s’assurer que les passagers s’engagent à respecter des mesures de sécurité. »