Les femmes qui sortent ou qui travaillent pendant le Grand Prix du Canada ressentent un sentiment d’insécurité dans l’espace public et sont souvent victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles, selon une étude du Conseil des Montréalaises.

L’organisme en est venu à la conclusion que, pour les femmes travaillant dans des métiers de service, d’accueil et de vente pendant le Grand Prix, l’apparence et la mise en scène du corps constituent souvent des critères d’embauche, et que le harcèlement sexuel et sexiste durant le travail est considéré comme faisant « partie de la job ».

C’est ce qu’on peut lire dans le rapport, déposé lundi au conseil municipal de Montréal.

« Il faut appeler un chat un chat : le Grand Prix est un évènement qui carbure en grande partie sur l’exploitation de la féminité, l’exploitation des femmes comme objets », a dénoncé la conseillère indépendante du district du Vieux-Rosemont, Christine Gosselin.

Selon Mme Gosselin, de telles conclusions devraient inciter les élus à remettre en question la pertinence de conserver le Grand Prix à Montréal.

Rappelons que l’édition 2020 du Grand Prix du Canada n’a pas eu lieu et que l’édition 2021 a aussi été annulée, en raison de la pandémie de COVID-19.

Traite des femmes

Le Conseil des Montréalaises s’est aussi penché, dans un autre rapport, sur la question de la traite des femmes pendant cet évènement, mais n’a pas pu tirer de conclusion claire.

« Que ce soit du côté des organismes de terrain ou de la littérature scientifique, il est impossible de mesurer une augmentation de la traite des femmes pendant le Grand Prix de Formule 1 », indique l’organisme dans un communiqué accompagnant ses deux rapports.

Le Conseil des Montréalais avance même que « les estimations exagérées du phénomène de la traite et la présence des forces policières qui en découle ont des conséquences néfastes sur les femmes dans l’industrie du sexe, les femmes autochtones et les femmes racisées, qui sont victimes de harcèlement policier, de profilage ou d’arrestations ».

« C'est une forme de prostitution »

Pour en venir à ses conclusions sur le harcèlement et les agressions sexuelles pendant l’évènement, l’organisme a réalisé 38 entretiens avec des femmes qui ont eu une expérience de travail ou de sortie durant le Grand Prix.

Certaines, travaillant comme hôtesse, barmaid ou serveuse, ont décrit des expériences où elles sont « utilisées comme des objets esthétiques, en jouant sur le désir hétérosexuel masculin, les exposant à la drague et au harcèlement sexuel normalisé », relate le rapport.

« Je me suis fait prendre un sein un soir. Je suis supposée faire quoi ? […] Si je vais chercher un bouncer puis que je fais sortir le gars, je perds ma job. Personne ne va te le dire comme ça, mais c’est clair que c’est ça qui va arriver », témoigne une barmaid ayant participé à l’étude.

Ce type d’évènements se produirait plus souvent pendant le Grand Prix.

« Ce n’est pas ma job de me faire toucher les fesses. Ce n’est pas censé m’arriver nécessairement à moi, mais bon, en même temps, comme je dis, on travaille dans l’industrie, dans un endroit où c’est propice à arriver », raconte une commis.

« C’est une forme de prostitution, il ne faut pas se mentir, là », raconte une autre barmaid. « C’est un échange de services avec de l’argent, qui inclut ton corps. Tu n’as pas de relations sexuelles complètes avec le client, […] t’es pas dans un salon de massage. Mais ça reste quand même qu’on te demande de jouer à la potiche. »