La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac dénonce les démarches de l’un de ses opposants qui, dit-elle, « a instrumentalisé la loi d’accès à l’information » en envoyant des requêtes à des centaines d’organismes et petites municipalités.

« Si je vous ai fait une requête d’accès à l’information, c’est uniquement parce que vous apparaissez sur la liste d’endosseurs de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT). À partir du moment où vous décidez de ne plus y figurer, vous ne m’intéressez plus et je retire donc ma requête. »

C’est ce que Guy Leroux, éditeur et rédacteur principal du site web DepQuébec (Dep pour « dépanneurs ») dit avoir écrit à quelque 300 organismes publics – notamment des villages et des municipalités – leur réclamant « toute correspondance (lettre, courriel, etc.) ainsi que tout document écrit interne ou externe (notes, mémos, présentation, résolution, plan, budget, contrats, etc.) qui concerne, émane de ou est destinée à la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), et ce, depuis 1994 ».

Les demandes d’accès à l’information (que peut formuler tout citoyen pour obtenir des renseignements publics) ont été envoyées en deux vagues, comme le décrit M. Leroux lui-même dans un mémoire qu’il a écrit en octobre 2020 dans le cadre des travaux sur le projet de loi 64 relatif aux documents et aux renseignements personnels.

Exiger de retracer « 26 ans de correspondance d’une petite municipalité, c’est lourd », dénonce Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

Selon elle, M. Leroux « instrumentalise la loi d’accès à l’information » pour viser ceux qui l’appuient.

Au surplus, dit-elle, « il fait du chantage » lorsqu’il précise que sa demande sera annulée s’ils retirent leur appui à la CQCT.

Si la Coalition en parle aujourd’hui, c’est que les demandes de M. Leroux, qui ont cheminé sur plusieurs mois, continuent d’avoir des répercussions. Après la petite ville de Blue Sea, par exemple, municipalité de 6400 habitants dans l’Outaouais dont le retrait a été mentionné dans la presse locale en 2020, Cookshire-Eaton a voté le 15 novembre une résolution par laquelle elle se retire de la Coalition, considérant entre autres la « controverse entourant l’organisme ».

À La Presse, Mario Gendron, maire de Cookshire-Eaton, municipalité des Cantons-de-l’Est de quelque 5300 habitants, n’a pas évoqué la demande d’accès, mais il a dit que le conseil ne voulait pas appuyer un organisme qui se trouve « dans la controverse, dans une polémique » et qui « manque de transparence et d’éthique. Il y a eu plusieurs publications à propos de ça ».

Malgré maints appels, courriels et textos, Guy Leroux n’a pas répondu à La Presse. Idem pour plusieurs mairies que nous avons contactées à ce sujet, M. Gendron ayant été le seul maire à nous rappeler.

Dans son mémoire de 2020, M. Leroux se présente à la fois comme journaliste indépendant pour le site web DepQuébec et comme relationniste. Dans son texte, il se défend d’avoir fait du chantage. « Dans la foulée de nos demandes [d’accès], une cinquantaine d’organismes ont ainsi confirmé vouloir quitter le navire de la CQCT, et ce, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec du chantage, mais tout à voir avec l’éthique et la gouvernance de la CQCT. »

« Notre enquête sur la CQCT se poursuit et il nous reste beaucoup à apprendre sur les circonstances nébuleuses entourant la création secrète de ce groupe de lobbying par le gouvernement et sa gestion sous-marine depuis 25 ans », écrit-il encore.

Utilisation « détournée » de la loi

La Coalition dénonce la campagne de désinformation de M. Leroux, dont les attaques sont résumées dans son mémoire.

Flory Doucas souligne que son organisation est « transparente sur tous les fronts, que ce soit en lien avec ses objectifs, son financement et ses campagnes d’actions publiques ».

Il est malheureux de constater que DepQuébec ait pu convaincre plusieurs organisations de se dissocier de notre mouvement afin d’acheter la paix.

Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac

Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public de la faculté de droit de l’Université de Montréal, signale que des organismes publics visés par des demandes d’accès peuvent refuser d’y donner suite « quand on se sert de la loi [sur l’accès à l’information] de façon abusive et détournée pour atteindre d’autres fins ».

Dans son rapport annuel 2020-2021, la Commission d’accès à l’information du Québec indique avoir eu 73 requêtes d’organismes publics pour requêtes abusives dans différents dossiers.

Or, en l’occurrence, indique Pierre Trudel, « on a quelqu’un qui écrit en toutes lettres qu’en réalité, il se fout pas mal de ce qui lui serait envoyé [en disant] : “Si vous vous retirez [de la Coalition], je retire ma demande.” Ça semble être un véritable cas de figure de demande abusive. »