« Mortes mais pas oubliées » : c’est l’une des phrases qu’ont placardées sur les murs de bâtiments les militantes du collectif Collages féministes Montréal dimanche soir, à l’occasion du 32anniversaire de l’attentat de Polytechnique.

Une quinzaine de militantes se sont réunies dès 18 h dimanche, à la station de métro Édouard-Montpetit. Leurs sacs à dos remplis de colle, de pinceaux et de papiers, elles s’apprêtaient à coller des phrases à la mémoire des 14 femmes tuées lors de l’attentat antiféministe du 6 décembre 1989, dans le secteur entourant Polytechnique.

Le but, « c’est surtout de se rappeler qu’il y a des femmes qui sont mortes parce que c’étaient des femmes. C’était il y a 32 ans, mais ça arrive encore aujourd’hui », explique à La Presse Magenta, une membre du collectif. « Ça arrive tous les jours, ça arrive partout dans le monde », ajoute-t-elle.

Magenta, comme Kira et Boussole, sont des pseudonymes employés par les membres du collectif qui opère dans l’anonymat. Collages féministes Montréal est un collectif en non-mixité choisie. C’est-à-dire qu’il accepte les personnes de toute identité de genre, à l’exception des hommes cisgenres (un homme dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été attribué à la naissance).

Depuis mars 2020, le collectif affiche des phrases sur les murs des immeubles de la métropole à la tombée du jour, qui transmettent des messages féministes, environnementalistes ou anticapitalistes. Les militantes doivent rester discrètes, car leur activité est illégale. Elles ont déjà écopé d’une amende, d’un montant de près de 1000 $.

« Nous devons être rapides »

Avant de quitter la station de métro, les militantes se séparent en trois groupes de cinq personnes, de façon à ne pas trop attirer l’attention. Chaque personne s’est d’abord présentée et a indiqué le pronom qu’elle utilise. La Presse a suivi l’un des groupes.

Premier arrêt : l’entrée de la station de métro Université-de-Montréal. Les « colleureuses », nom par lequel elles se désignent, observent les lieux afin de trouver le mur idéal. Après s’être assurées de l’absence de caméras de surveillance à proximité, elles statuent sur les vitres qui donnent sur la station de métro. « Nous devons être rapides », lance Kira, une membre du collectif.

Deux militantes font le guet afin d’avertir les « colleureuses » de l’arrivée éventuelle de policiers. Les trois autres parviennent, en quelques minutes, à coller la phrase « Mortes mais pas oubliées », ainsi qu’une feuille sur laquelle figurent les prénoms des 14 victimes de l’attentat de Polytechnique. Un mélange de farine et d’eau fait office de colle.

Le même procédé reprend ensuite plus loin, dans l’allée qui permet aux voitures de monter jusqu’au bâtiment de Polytechnique. Cette fois, sur un muret de pierres sur lequel il est plus difficile de faire adhérer les feuilles, les militantes inscrivent : « We remember the 6th » (Nous nous souvenons du 6).

Malgré le froid qui se faisait de plus en plus mordant, les cinq jeunes femmes ont marché jusqu’à Polytechnique.

Elles ont placardé sur un mur de béton à proximité les mots « 32 ans plus tard… ». Faute de colle, les militantes ont déposé au sol les lettres formant la suite de la phrase, où on pouvait lire « On nous tue toujours ».

Rappelons que le 6 décembre 1989, un homme armé d’un fusil semi-automatique est entré dans l’école Polytechnique et a assassiné 14 femmes, en plus de blesser 13 autres personnes. « Je lutte contre le féminisme », avait-il affirmé, avant de commettre le crime. Le tireur s’est suicidé par la suite.

« Je voudrais qu’on nous écoute »

Les deux autres groupes de « colleureuses » ont placardé des messages dans des secteurs différents du quartier. Les mots « Féminicide ? Meurtre d’une femme en raison de son genre » étaient inscrits sur un mur près de la station de métro Édouard-Montpetit.

L’année dernière, le collectif avait collé les noms des 14 femmes assassinées lors de la tuerie de Polytechnique, ainsi que leur date de naissance, dans les rues de Montréal.

Pour Boussole, « colleureuse » depuis septembre, l’action de dimanche soir avait une signification particulière, puisqu’elle a fait des études pour devenir ingénieure.

Quand on pensait à des phrases [sur le fait] d’encourager les femmes dans les sciences, ça me parlait beaucoup.

Boussole, « colleureuse » depuis septembre

L’ingénieure nouvellement diplômée perçoit toujours des stéréotypes par rapport à la place des femmes en science.

Collages féministes Montréal a pour but de dénoncer toutes les formes d’oppression. Le collectif s’attarde à plusieurs causes, dont la dénonciation des agressions sexuelles, de la violence conjugale et de la pauvreté.

« Je voudrais qu’on nous écoute, c’est pour ça qu’on fait ça. Je pense que le collectif est basé là-dessus », affirme Kira, impliquée dans le collectif depuis le 6 décembre 2020.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse