Elisapie Pootoogook, une femme sans-abri de 61 ans, originaire de Salluit, dans le nord du Québec, a été retrouvée morte samedi dernier sur un chantier de construction sur le site de l’ancien Hôpital de Montréal pour enfants, au centre-ville, près du Square Cabot.

Selon des intervenants qui travaillent auprès des sans-abri, ce décès démontre que les services offerts aux itinérants autochtones sont insuffisants, surtout à l’approche de l’hiver.

Elisapie Pootoogook fréquentait le Square Cabot et le refuge de l’organisme Résilience, situé tout près. C’est à cet endroit que l’intervenant David Chapman l’a vue pour la dernière fois, jeudi dernier.

« Je l’ai aidée à sortir, alors qu’on fermait nos portes pour la journée, à 15 h, et elle m’a parue encore plus frêle et faible que d’habitude », raconte M. Chapman, qui la connaissait depuis sept ou huit ans.

Selon lui, Elisapie Pootoogook n’avait nulle part où aller à la fermeture, parce qu’il manque de places et de refuges ouverts 24 heures par jour pour les itinérants autochtones, « surtout pour ceux qui sont sous l’influence de l’alcool », dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR DAVID CHAPMAN

Elisapie Pootoogook fréquentait le Square Cabot et le refuge de l’organisme Résilience, situé tout près.

Il ajoute que Mme Pootoogook jouait souvent au chat et à la souris avec les agents qui patrouillent à la station de métro Atwater. « En sortant du métro, elle a sans doute décidé d’aller se cacher sur le site de construction, et avec le froid qu’il faisait, peut-être qu’elle était mal vêtue, c’est bien possible qu’elle soit morte de froid », avance David Chapman.

Le corps sans vie de la sexagénaire a été découvert samedi matin vers 8 h 30 par un passant qui a composé le 911, indique l’agent Jean-Pierre Brabant, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

« Après vérification, aucun élément criminel n’a été découvert. Le dossier a donc été transféré au coroner pour comprendre les circonstances entourant ce décès », ajoute-t-il.

Une vigile à la mémoire d’Elisapie Pootoogook est organisée lundi prochain au Square Cabot, indique Nakuset, directrice du Foyer pour femmes autochtones de Montréal.

Un refuge menacé

Ce décès n’est pas sans rappeler celui de Raphaël André, cet itinérant innu retrouvé mort gelé, en janvier 2021, dans une toilette chimique à l’angle de la rue Milton et de l’avenue du Parc, à deux pas d’un refuge fermé qu’il avait l’habitude de fréquenter.

À la mémoire de Raphaël André, une tente chauffée pouvant accueillir les sans-abri pendant la nuit a été installée au Square Cabot, en février dernier, chapeautée par le Foyer pour femmes autochtones de Montréal. Mme Pootoogook fréquentait parfois cette tente.

Or, ce refuge est menacé de fermeture, faute de financement.

« Nous avons rencontré les responsables de la Ville de Montréal aujourd’hui [mardi] et ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient rien nous donner de plus », déplore Nakuset.

Elle cherche donc d’autres sources de financement pour éviter de mettre fin aux activités du refuge, qui a accueilli 474 personnes au cours de la nuit de lundi à mardi.

Mais surtout, elle est à la recherche d’un local permanent pour offrir ces services de nuit dans le secteur.

« Cette tente, c’est juste un band-aid, lance-t-elle. On n’a pas besoin d’une tente, on a besoin d’un édifice permanent. »

« On nous dit qu’il n’y a pas de local disponible dans le secteur, mais en attendant, il y a des gens qui ne s’en sortent pas », renchérit David Chapman.

Appelé à réagir, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a fait valoir son engagement, pris en campagne électorale, de doubler les montants dédiés à l’itinérance, qui passeront de 3 à 6 millions.

« La Ville de Montréal continue de collaborer avec le réseau de la santé et les organismes communautaires en appuyant notamment la recherche de locaux et l’aménagement des lieux », indique l’attachée de presse de la mairesse, Catherine Cadotte. « La Ville de Montréal a effectué un appel d’intérêt public pour trouver des emplacements disponibles et plusieurs scénarios sont encore à l’étude afin d’accueillir ces ressources. »