Avant chaque match à domicile cette saison, le Canadien de Montréal présentera un message de reconnaissance territoriale « en l’honneur des contributions passées, présentes et futures des peuples autochtones ». Tandis que les communautés autochtones accueillent cette initiative favorablement, certains historiens remettent en question l’appartenance du territoire de Montréal aux Mohawk.

« C’est bien de voir l’initiative de l’organisation. Un pas dans la direction du respect et la reconnaissance des peuples originaux de ce territoire », a affirmé à La Presse Jeremy Tomlinson, membre élu du Conseil mohawk de Kanesatake.

La reconnaissance du territoire est une marque d’hommage et de respect envers les peuples autochtones et atteste que les terres et les territoires des nations autochtones n’ont jamais été cédés.

« Les Canadiens de Montréal souhaitent reconnaître les Kanien’keha : ka, également connus comme la Nation mohawk, pour leur hospitalité sur le territoire traditionnel et non cédé où nous sommes réunis aujourd’hui », lira l’annonceur officiel du CH, Michel Lacroix, avant chaque match.

IMAGE TIRÉE DU SITE DU CANADIEN

Il s’agit de la première de plusieurs initiatives que le Canadien dévoilera cette année pour reconnaître, honorer et soutenir les Premières Nations et les communautés autochtones locales, a affirmé samedi l’organisation.

« [La reconnaissance territoriale] est probablement une des étapes les plus importantes. Notre culture est fondamentalement liée à la terre, notre territoire. L’aliénation que nous avons subie à l’égard de notre territoire reste à ce jour un des actes les plus néfastes à notre égard », a indiqué M. Tomlison.

Selon le membre du Conseil, la reconnaissance permet de se rapprocher « de la possibilité d’une véritable réconciliation ». « C’est dommage que les gouvernements provincial et fédéral se montrent toujours incapables de faire de même. »

Le Centre d’amitié autochtone du Saguenay abonde dans le même sens. « C’est une très belle initiative de reconnaissance de la part du Canadien. Elle permet la réconciliation et surtout de développer une fierté pour les Premières Nations », a déclaré Kévin Bacon, agent de promotion au Centre d’amitié autochtone du Saguenay.

Des incertitudes

Denys Delâge, sociologue, historien et professeur à l’Université Laval, est en accord avec la reconnaissance territoriale, mais soutient que le territoire de la ville de Montréal appartenait aux Algonquins et non aux Mohawks.

« Dire que nous sommes sur un territoire d’une nation, c’est une très bonne idée. Quand on est à Sept-Îles, on est sur le territoire des Innus ou quand on est à Ottawa, on est en territoire Algonquins. Le problème à Montréal, c’est que ce n’est pas les Mohawks, ce sont les Algonquins », a-t-il affirmé.

Selon lui, le Canadien de Montréal devrait mentionner que Montréal est en territoire autochtone, mais pas sur territoire non cédé appartenant aux Mohawks.

Peu de données disponibles permettent d’établir à qui appartenait le territoire montréalais. « On nage dans les hypothèses, les incertitudes et le flou. C’est loin d’être clair que Montréal est un territoire Mohawk. Les seuls qui tiennent cette hypothèse ce sont les militants », a soutenu Éric Bédard, historien, professeur à l’université Téluq et auteur du livre Le Québec : tournants d’une histoire nationale.

Selon lui, le Canadien de Montréal a décidé de reconnaître les territoires autochtones pour se donner une bonne conscience. « Ils veulent être dans la parade, ils sont dans la pure symbolique et ils s’immiscent dans un débat hautement sensible et polarisant. »

Sensibilisation de la société

Quelle communauté habitait donc le territoire de Montréal ? « La question même vient d’une vision eurocentrique du territoire, avec des frontières contrôlées exclusivement par un seul peuple, a répondu le professeur au Département d’histoire de l’Université de Montréal, David Meren. Selon lui, il faut reconnaître les revendications de la Nation mohawk, ainsi que celles des autres communautés qui reconnaissent Montréal comme leur terre.

La reconnaissance territoriale est une pratique assez courante dans le Canada anglais, mais qui a débuté plus récemment au Québec, a indiqué le professeur Meren. « C’est très important de reconnaître que notre société y compris nos activités de loisirs est construite sur une histoire et une réalité culturelle de la colonisation », a-t-il indiqué.

Selon Catherine Larochelle, professeure au département d’histoire de l’Université de Montréal, l’initiative du Canadien démontre que la sensibilisation de la société à ces enjeux progresse. « C’est dû, principalement, à l’action des personnes et des communautés autochtones qui se battent depuis des années pour que l’histoire coloniale et ses conséquences soient reconnues », a-t-elle affirmé.

Le professeur Meren, qui utilise la reconnaissance territoriale dans ses cours, juge que le geste du Canadien de Montréal est un pas dans la bonne direction, mais il rappelle que cette reconnaissance doit être jointe à des actions concrètes.

« Ça ne doit pas être la fin, mais plutôt le début de quelque chose de plus concret qui ouvre la porte vers une décolonisation. Sinon, on va faire une reconnaissance, on va dire de beaux mots, mais rien ne va changer », a-t-il conclu.