Pour de nombreux leaders autochtones, les entreprises qui prennent part à la Journée du t-shirt orange, soulignée le 30 septembre pour sensibiliser la population au sort tragique des enfants autochtones envoyés dans les pensionnats, sont de précieuses « alliées ».

Les magasins La Baie vendent ces t-shirts avec la mention « Every Child Matters ». Amazon, Walmart, Rogers aussi. Et Tim Hortons offrira, du 30 septembre au 6 octobre, un beigne avec des vermicelles orange. Tous promettent de verser la totalité des recettes à des organismes qui soutiennent les survivants des pensionnats.

Cette commémoration prendra un sens tout particulier cette année après la découverte de dépouilles dans de nombreuses tombes anonymes et de fosses communes aux abords d’anciens pensionnats.

Est-ce de l’appropriation culturelle ? Les leaders autochtones à qui La Presse a posé la question y voient plutôt un signe de solidarité.

« Pour sortir de tous ces abus qu’on a subis tout au long de notre vie, nous avons besoin d’aide pour remonter la pente », explique Richard Kistabish, survivant du pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, près d’Amos, au Québec.

Nous avons besoin de partenaires pour nous aider, nous soutenir dans cette démarche. Alors, si ces grandes entreprises veulent contribuer de cette façon pour nous aider, je leur dis bienvenue dans le processus. On a besoin d’argent, on a besoin de ressources.

Richard Kistabish, survivant du pensionnat pour Autochtones de Saint-Marc-de-Figuery

M. Kistabish, qui a été chef de la Première Nation Abitibiwinni, en Abitibi-Témiscamingue, et qui préside l’organisme Minwashin, portera de l’orange jeudi.

Jacques T. Watso, du Conseil des Abénakis d’Odanak, aussi. « C’est frais, souligne-t-il. Je vais mettre un coton ouaté orange. »

La sénatrice Michèle Audette porte depuis quelques jours déjà le t-shirt orange qu’elle a reçu d’un Québécois en visite à Mushuau-nipi, près de la rivière George, dans le Nord-du-Québec, où elle a passé un mois.

« Si c’est bien fait et que les recettes vont à une organisation autochtone, je salue ce genre d’initiatives parce que les organisations sont souvent à peine financées et que le besoin de pédagogie est énorme, indique-t-elle. Des coups de pouce comme ça, ça peut aider à rayonner pour le restant de l’année où l’on en entend moins parler. »

Selon Konrad Sioui, ancien grand chef de la nation huronne-wendate de Wendake, qui portera jeudi son « gilet de hockey des Flyers de Philadelphie », ces entreprises sont des alliées.

On n’avait pas beaucoup d’alliés. Mais on avance, les gens comprennent mieux la situation.

Konrad Sioui, ancien grand chef de la nation huronne-wendate de Wendake

Jean-Claude Therrien-Pinette, directeur de cabinet du chef des Uashat-Mani-utenam, sur la Côte-Nord, est du même avis, mais apporte une nuance : « Si la solidarité de ces entreprises peut soutenir des mesures sociales dans nos communautés, c’est parfait. La seule réserve que j’ai par rapport aux gilets orange, c’est leur provenance. S’ils sont faits par des enfants au Bangladesh, no way ! Ça nous prend des éléments éthiques. »

Florence Benedict, élue au Conseil des Abénakis, ajoute : « On essaie de faire attention à ça parce qu’on voit qu’il y a beaucoup de gens qui essaient de profiter du moment pour faire des sous sur le dos de certaines causes. Mais l’important, c’est l’intention aussi. Les gens sont invités à porter de l’orange. »

De son côté, Kevin Bacon Hervieux, coordonnateur du Festival Innu Nikamu, sur la Côte-Nord, note que la Journée du t-shirt orange est moins répandue au Québec qu’ailleurs au pays. « La situation au Québec par rapport à tout ce qui est autochtone est en retard de plusieurs années par rapport au reste du Canada. »

En ce qui concerne la vente de t-shirts et d’autres objets orange par de grandes entreprises, il estime que « c’est du cas par cas ».

« Je n’ai pas de problème avec la vente de pâtisseries orange, lance-t-il. Mais j’ai un problème avec ceux qui font fabriquer des t-shirts orange dans des pays où les enfants sont exploités. C’est un peu paradoxal de porter un t-shirt “Every Child Matters” qui a peut-être été fait par un enfant. »

Pourquoi un t-shirt orange ?

La Journée du t-shirt orange est l’idée de Phyllis Webstad qui, en 1973, à l’âge de 6 ans, a été arrachée à sa communauté et envoyée dans un pensionnat de la Colombie-Britannique. À son premier jour d’école, un membre du personnel lui a confisqué le chandail orange qu’elle portait pour lui remettre un uniforme. Cette journée vise à reconnaître les préjudices passés et à sensibiliser la population. Sa date coïncide avec celle de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, au Canada, jour férié fédéral désigné en juin dernier pour rendre hommage aux survivants des pensionnats pour Autochtones.