Le nombre d’enfants attendant d’être pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de Montréal continue d’être « extrêmement préoccupant », malgré une légère baisse annuelle du nombre de signalements. Il manque une cinquantaine d’employés pour « répondre à la demande » actuellement.

741. C’est le nombre d’enfants dont le nom figurait sur une liste d’attente dans la métropole, en date du 22 septembre. L’an dernier, à pareille date, ils étaient 167. Ce sont donc 574 enfants de plus qui sont inscrits sur les listes d’attente montréalaises, qui ont connu une hausse marquée pendant la pandémie.

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, la liste d’attente compte actuellement 406 noms, ce qui représente tout de même une baisse par rapport aux 540 qui s’y trouvaient en juillet. « Ça reste extrêmement préoccupant. On n’a jamais vu des listes d’attente si élevées à Montréal », a soulevé en point de presse la directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS, Assunta Gallo.

Le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, lui, constate une « lente hausse » du nombre d’enfants sur ses listes d’attente depuis six mois. L’établissement en compte 335 dans tout son réseau. « Pour mon organisation, c’est directement relié au manque de main-d’œuvre. Si tous mes postes étaient remplis, je serais capable de réduire rapidement cette liste », a quant à elle indiqué la directrice de la protection de la jeunesse pour l’ouest de Montréal, Linda See.

« Nous avons beaucoup de signalements qui arrivent maintenant, avec la rentrée. Mais avec le nombre limité [d’employés] que j’ai, on doit [traiter] les cas plus urgents immédiatement. Ça fait en sorte que j’ai moins d’employés pour gérer les cas sur la liste d’attente », a renchéri Mme See.

Ensemble, les deux DPJ régionales estiment avoir besoin de 51 travailleurs supplémentaires pour arriver à renverser la tendance. « On met beaucoup d’efforts pour le recrutement, l’attraction et la fidélisation de notre monde. […] C’est une mission de cœur, on cherche des gens passionnés qui aiment travailler avec les gens, les enfants et les familles », a ajouté Mme Gallo, précisant qu’une vingtaine de présentations avaient récemment été faites dans des milieux universitaires et des cégeps, pour attirer des jeunes.

L’effet sur le moral

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Assunta Gallo, directrice de la protection de la jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Ces derniers mois, dans la foulée de cas très médiatisés à Granby notamment, de la commission Laurent et de la « réforme en profondeur » de la DPJ promise par Québec, « certains commentaires ont affecté le moral des troupes », a reconnu Mme Gallo. « Ce n’est pas tant la critique qui blesse, mais l’absence de contrepartie, soit la mise en valeur des innombrables réussites », dit-elle.

Est-ce que ça se peut que, comme intervenant, on peut devenir plus protectionniste ? Oui, parce qu’on a peur et qu’on ne veut pas prendre une mauvaise décision. Mais les intervenants ne prennent pas ces décisions seuls. Ils ont toujours un soutien clinique, et prennent les décisions avec un gestionnaire.

Assunta Gallo, directrice de la protection de la jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

On constate par ailleurs une forte hausse du nombre de signalements pour « mauvais traitements psychologiques » à Montréal, qui sont passés de 1654 à 1821 en seulement un an. C’est la troisième année de suite que le nombre de signalements augmente dans cette catégorie, mais la hausse serait « beaucoup plus prononcée » cette fois. Et selon les autorités, dans 75 % de ces cas, il s’agit d’enfants qui sont « exposés à la violence conjugale ».

« C’est quand même grave et majeur », a d’ailleurs réagi Assunta Gallo, en rappelant que cinq des 14 féminicides présumés survenus au Québec cette année se sont produits à Montréal.

« On est en train de faire une analyse approfondie pour mieux comprendre tout ça et s’y attarder comme point de départ à la prévention. On n’arrive pas à un féminicide comme ça, on ne se réveille pas un matin et ça arrive. Il y a tout un cycle et ça s’aggrave. On est tous collectivement responsables de venir en aide à ces enfants et à ces femmes », a-t-elle illustré.

Données brutes

Selon les données présentées mercredi, un total de 15 973 signalements ont été traités à Montréal en 2020-2021. Il s’agit d’une baisse de 3,1 % par rapport à l’an dernier, alors que la DPJ avait traité 16 485 signalements. Cette année, 7330 appels ont été « retenus », c’est-à-dire qu’ils ont engendré une intervention, contre 7334 l’an dernier. Plus de 8643 n’ont donc pas été retenus ; l’an dernier, ce chiffre était de 9151.

Cette année dans la métropole, toutefois, un peu plus de 1430 adolescents ont reçu des services de la DPJ, ce qui constitue une baisse marquée de 12 %.

Au niveau provincial, la même tendance s’observe : environ 117 000 signalements ont été traités, soit « 323 situations d’enfant signalées par jour ». Il s’agit d’une très légère diminution par rapport à 2019-2020. Les équipes à travers le Québec ont retenu 44 278 de ces signalements, ce qui représente une hausse annuelle de 2,7 %.

1950
Nombre de signalements reçus par la DPJ de Montréal en 2019-2020. Cette année, ce chiffre a légèrement baissé, pour atteindre 1820.

37,9 %
Taux de rétention des signalements actuellement au Québec. L’an dernier, il était de 36,8 % et l’année d’avant, il était plus élevé, à environ 39,3 %. Le tiers des signalements (33 %) proviennent toujours des employés d’organismes publics dans la province.