Les appels d’Afghans prisonniers d’un pays qu’ils veulent fuir font vibrer jour et nuit le téléphone de Shah Ismatullah Habibi.

« Les gens nous demandent de quelle façon ils peuvent venir au Canada. Ils sont désespérés. Ils se cachent des talibans, mais c’est tout ce qu’ils peuvent faire, car les frontières sont fermées, et les vols ont cessé. »

Directeur général de l’Association éducative transculturelle à Sherbrooke, où se trouve la deuxième communauté afghane en importance au Québec, M. Habibi ne peut souvent que compatir avec la personne à l’autre bout du fil.

« On entend beaucoup de détresse. Les gens ne savent plus vers qui se tourner. »

PHOTO ANDRÉ VUILLEMIN, ARCHIVES LA TRIBUNE

Shah Ismatullah Habibi, directeur général de l’Association éducative transculturelle à Sherbrooke

Le gouvernement de Justin Trudeau a promis d’accueillir 40 000 réfugiés afghans, dont une partie s’établira au Québec. On n’en connaît pas encore le nombre : pour le moment, environ 300 réfugiés ayant quitté l’Afghanistan et actuellement en quarantaine près de Toronto sont attendus au Québec au cours des prochaines semaines, selon le gouvernement québécois.

De nombreux groupes venant en aide aux réfugiés sont d’avis que le gouvernement du Québec pourrait parallèlement accommoder davantage de demandes de parrainage privé. Nastaran Daniali, impliquée auprès d’un collectif de jeunes Afghans de Sherbrooke, vient de lancer une pétition en ce sens.

« On demande au gouvernement du Québec de mettre fin au moratoire sur le parrainage privé de réfugiés par des organismes, explique-t-elle. On demande aussi un programme spécial et accéléré pour les réfugiés afghans. »

Des membres de la famille de gens de la communauté sont en danger, dit-elle.

« Avec le parrainage privé, il y a une limite de 750 demandes acceptées par année, alors elle est atteinte très rapidement, et il faut attendre l’année suivante. Les gens se sentent désespérés parce qu’ils ne peuvent rien faire. Tous les jours, ils parlent aux membres de leur famille en espérant qu’ils sont encore vivants. »

M. Habibi fait lui aussi remarquer que de nombreux Québécois lui demandent de quelle façon ils peuvent parrainer des réfugiés afghans.

Le public est prêt à aider, mais il faut que le gouvernement lui donne l’occasion de le faire !

Shah Ismatullah Habibi, directeur général de l’Association éducative transculturelle à Sherbrooke

Au cabinet de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec, Nadine Girault, l’attachée de presse Flore Bouchon indique qu’« aucun quota ou moratoire » ne limite l’arrivée de réfugiés afghans au Québec.

« Nous travaillons dans un contexte de crise humanitaire où nous devons répondre rapidement aux besoins des réfugiés afghans qui arriveront bientôt sur le territoire québécois, dit-elle. De ce fait, notre gouvernement mise sur le programme des réfugiés pris en charge par l’État pour accueillir les réfugiés afghans qui se destinent au Québec. C’est le moyen le plus efficace et rapide pour répondre à une crise humanitaire. Rien n’exclut du parrainage collectif de réfugiés afghans dans un deuxième temps, lorsque le contexte sera favorable pour en accueillir lors du prochain exercice de ce programme. »

« Question de survie »

Dimanche, près de 400 personnes ont participé à une marche à Sherbrooke afin de demander aux deux ordres de gouvernement d’accélérer l’arrivée de réfugiés afghans au pays.

En attendant de pouvoir faire venir des membres de leur famille au Québec, des Québécois d’origine afghane envoient 2000 $ ou 3000 $ par mois à des membres de leur famille établis dans des pays tiers comme le Pakistan, signale Shah Ismatullah Habibi.

« Les gens travaillent des heures de fou pour pouvoir aider des membres de leur famille, et parfois même des membres plus éloignés, comme des cousins. C’est une question de survie pour eux. »

Par ailleurs, selon le gouvernement fédéral, environ 1250 citoyens canadiens, détenteurs de visa ou membres de leur famille sont coincés en Afghanistan. Le gouvernement canadien les a incités à se cacher et dit être en négociation avec le Pakistan afin qu’ils puissent se rendre dans ce pays pour ensuite s’envoler vers le Canada.