En quête de réponses, les proches d’une victime devront patienter plusieurs mois

L’homme qui est mort au coin de Berri et Ontario des suites d’une collision avec un autre cycliste, au début de juin, était un passionné de vélo. Deux mois après le drame, son fils souhaite plus de sécurité sur les pistes cyclables et déplore l’absence d’enquêtes policières lorsque seuls des cyclistes sont impliqués.

Le 7 juin dernier, Robert LeBlanc rentrait du travail en BIXI. À l’intersection des rues Berri et Ontario, il se serait avancé lorsque le feu en direction opposée est devenue jaune. Un cycliste qui descendait la côte Berri l’aurait alors percuté de plein fouet. « Mon père a été propulsé et s’est fracassé la tête sur le sol », raconte Félix LeBlanc, selon les informations transmises par le reconstitutionniste en collision. La version initiale du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) indiquait plutôt que M. LeBlanc aurait brûlé un feu rouge.

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L’intersection des rues Berri et Ontario, à Montréal

L’homme de 62 ans a été transporté à l’Hôpital général de Montréal, où il a subi une opération à la tête. « À ce moment-là, on ne le savait pas, mais c’était déjà fini », dit Félix LeBlanc, en baissant la voix. Parce qu’il a été déclaré « cliniquement mort », sa famille a décidé de débrancher Robert LeBlanc deux semaines plus tard. Rencontré dans les bureaux de l’entreprise familiale, le jeune homme peine à croire que son père n’est plus là.

Robert LeBlanc « n’était pas un cycliste du dimanche », raconte son fils. En plus de se rendre chaque jour au travail à bicyclette, il faisait partie du Club vélo de Sutton et avait fait de nombreux voyages de cyclotourisme en Europe. « De le voir partir comme ça, c’est ironique », souffle Félix LeBlanc. « Ça peut arriver à tout le monde », ajoute-t-il.

« La police ne nous a jamais contactés »

C’est en essayant de joindre Robert LeBlanc le lendemain de l’évènement vers 10 h 30 que la famille a appris la triste nouvelle.

De toute l’histoire, la police ne nous a jamais contactés. C’est nous qui avons dû pousser pour avoir les informations.

Félix LeBlanc

Son père avait pourtant son porte-monnaie et son téléphone cellulaire sur lui au moment des faits.

Depuis deux mois, le jeune homme et ses proches demeurent avec de nombreuses questions en suspens. « Et l’autre cycliste, est-il correct ? », se demande Félix LeBlanc.

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Félix LeBlanc est toujours en quête de réponses après la mort de son père dans un accident de vélo, survenu en juin dernier.

La famille LeBlanc devra patienter plusieurs mois avant de recevoir le rapport. Puisqu’aucun véhicule motorisé n’est impliqué dans la collision, l’enquête a été transférée au Bureau du coroner. Pour cette raison, le service de police n’a aucune donnée sur les collisions entre cyclistes. Raphaël Bergeron, porte-parole du SPVM, explique que, dans les cas comme celui-ci, les policiers agissent seulement en assistance au coroner.

Félix LeBlanc déplore l’absence d’enquêtes policières. « C’est comme si on disait que deux vélos qui se frappent, ce n’est pas grave », résume-t-il. « S’il s’était seulement blessé, d’accord, mais là, il est mort », ajoute-t-il.

Jean-François Rheault, président-directeur général de Vélo Québec, est d’avis que de collecter des données sur les collisions entre cyclistes est nécessaire afin de mieux les prévenir.

« Pas des pistes de course »

Devant le « chaos total » sur les pistes cyclables, Félix LeBlanc plaide pour un plus grand travail de sensibilisation à la sécurité. « Les rues de Montréal ne sont pas des pistes de course, souligne-t-il. Ni en vélo ni en voiture. » Le jeune homme milite aussi pour « des pistes cyclables qui pardonnent ».

Jean-François Rheault est d’avis qu’avec le nombre de cyclistes qui augmente dans la métropole, il est nécessaire de repenser les infrastructures afin qu’elles soient plus sécuritaires.

L’endroit où la collision s’est produite est une piste bidirectionnelle à haute vitesse, qui croise la rue [Ontario], sans infrastructures cyclables.

Jean-François Rheault, président-directeur général de Vélo Québec

Pour atteindre son objectif de réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes à zéro, Montréal dit adopter « une approche systémique, plutôt que de concentrer ses efforts sur un nombre limité d’intersections », indique le porte-parole de la Ville, Hugo Bourgoin. Les neuf scénarios de collisions les plus récurrents sont analysés, et des interventions sont planifiées pour les prévenir.

Casque obligatoire ?

Au moment des faits, Robert LeBlanc ne portait pas de casque. Son fils estime qu’imposer le port du casque aux plus jeunes permet de créer « le réflexe » pour plus tard.

De son côté, Jean-François Rheault encourage le port du casque, mais il estime que le rendre obligatoire est une mesure compliquée. « On donne les contraventions aux parents ou aux enfants ? », demande-t-il. La Ville affirme qu’aucune discussion n’est en cours à propos de cette obligation.