Des centaines de personnes ont manifesté mercredi soir devant l’hôtel de ville de Repentigny, réclamant « justice et réponses » pour Jean René Junior Olivier, cet homme noir abattu dimanche par des policiers. La mère et le fils de la victime ont de nouveau pris la parole, devant une foule indignée par la situation.

« Est-ce que demain, si j’ai un problème, j’arriverai à appeler le 911 ? Jamais. Je vais rester avec mes problèmes, quoi qu’il se passe. Aujourd’hui, mon fils, il n’est plus là. Et pourquoi ? Je ne le sais pas », a témoigné devant la foule la mère du défunt, Marie-Mireille Bence.

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Marie-Mireille Bence, mère de Jean René Junior Olivier

Au moment des faits, Mme Bence affirme avoir demandé aux policiers d’emmener son fils « dans un hôpital psychiatrique », reconnaissant qu’il avait « un problème » et qu’il avait besoin d’aide. « Il me disait : “Je vois les gens derrière moi, ils veulent me tuer, ils veulent me faire ci, ils veulent me faire ça.” »

Quand j’ai appelé la police, je leur ai dit d’amener mon fils dans un hôpital psychiatrique dès que l’ambulance arrivait. Je l’ai bien précisé. Et puis regardez tout ce qui s’est passé. Les Blancs, eux, on ne les tue pas comme ça.

Marie-Mireille Bence, mère de Jean René Junior Olivier

Le fils du défunt, Kayshawn Olivier, a de son côté déploré « qu’on ne connaisse rien du policier » ayant tiré sur son père. « On ne sait même pas à quoi ressemble sa face. On ne connaît pas son nom. Et on ne va jamais savoir », a-t-il dit, en plus de se demander à plusieurs reprises « pourquoi trois balles » avaient été tirées. « Mon oncle, qui était à la maison, a dit aux policiers de lui mettre une balle dans les pieds », a-t-il soulevé, en voulant illustrer que d’autres options auraient pu être envisagées.

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À un moment, les manifestants ont observé une minute de silence.

À un moment, les manifestants ont posé un genou au sol à la mémoire de la victime, observant du même coup une minute de silence en son honneur.

« Là pour protéger des vies »

Documentariste et militant antiraciste, Will Prosper est très actif afin d’exiger plus d’égalité pour les communautés noires et racisées, notamment avec l’organisme Hoodstock. Mais il est aussi un ancien policier de la Gendarmerie royale du Canada.

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Will Prosper, documentariste et militant antiraciste

« Comme ex-policier, je me pose toujours une question, explique-t-il en entrevue avec La Presse. Quand la personne est une menace pour elle-même, les policiers présents devraient reculer, prendre le temps qu’il faut pour bien analyser la situation. S’il faut prendre toute la nuit, c’est comme ça. Ils sont là pour protéger des vies avant tout. »

Selon lui, la solution passe « par une véritable volonté politique qu’on ne voit pas malheureusement, parce que la police ne va pas se réformer d’elle-même ». « Pourtant, il y a d’autres villes qui le font. À travers le pays, on voit plusieurs réformes véritables pour casser le profilage racial. On ne parle pas simplement de formations. Il y a des conséquences, des suivis qui sont faits auprès des policiers ayant des comportements problématiques. Ça se fait », insiste-t-il.

Au Mouvement Action Justice, le porte-parole Hadj Zitouni abonde dans le même sens.

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Hadj Zitouni, porte-parole du Mouvement Action Justice

Est-ce que les policiers de Repentigny auraient pu épargner la vie de cette victime-là ? La réponse est oui. […] Il y a toujours d’autres moyens, d’autres possibilités que de lui enlever la vie.

Hadj Zitouni, porte-parole du Mouvement Action Justice

« Il faut vraiment qu’il y ait une volonté politique pour aller vers le changement. Et s’il n’y a pas une reconnaissance du problème, il n’y aura jamais de solutions. Ce décès, ce n’est pas le premier, ce n’est pas le dernier. Dans les mois qui viennent, on aura les mêmes bavures policières qui vont continuer d’exister, malheureusement », avance-t-il.

L’enquête toujours en cours

Dans cette affaire, les policiers de Repentigny avaient d’abord été avisés vers 7 h 30, dimanche dernier, qu’une « personne confuse et désorganisée armée d’un couteau » se trouvait à l’angle des rues Cousineau et de Niagara, dans un secteur résidentiel tranquille de Repentigny.

Selon le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), qui mène toujours son enquête aux dernières nouvelles, les policiers auraient initialement tenté « de verbaliser avec le sujet qui aurait pris la fuite à pied » et « se serait montré menaçant » envers eux.

Après avoir échoué à le maîtriser avec du gaz poivre, les policiers ont alors « tiré plusieurs coups de feu en direction de l’homme et l’ont atteint mortellement », selon le BEI.

Le Service de police de la Ville de Repentigny, lui, n’a pas voulu commenter les évènements.