Un couple de musiciens est parvenu à sauver de justesse une mère et sa fille de 10 ans des eaux du Saint-Laurent, dans le secteur de L’Isle-aux-Coudres. Malgré un heureux dénouement, l’évènement illustre les dangers que peut représenter le fleuve, surtout sans équipements de sécurité.

Hélène Lemay travaillait devant son ordinateur, lundi, lorsqu’elle a entendu des cris stridents au loin sur la rive. « En levant les yeux, j’ai aperçu au loin ces deux petites silhouettes entourées d’eau. Il ne restait que quelques mètres seulement de sable autour d’elles à ce moment. L’eau monte très, très rapidement, surtout dans les grandes marées comme actuellement », a-t-elle raconté sur les réseaux sociaux.

La mère de famille et sa fille étaient en réalité « coincées, en larmes et en cris, sur un petit banc de sable en plein milieu du fleuve devant notre maison », non loin de la Halte du Pilier, relate Mme Lemay. « Elles se sont fait prendre par la marée. Il n’y avait aucune issue possible… même pas la roche, le pilier qui normalement sert de refuge momentané », insiste-t-elle.

Aussitôt, la tromboniste de formation a alerté les services de secours, mais aussi son mari André Moisan. Sans attendre, ce dernier est embarqué dans son kayak et s’est empressé de secourir la mère et sa fille. Il est finalement parvenu à les rejoindre après avoir pagayé jusqu’à elles sur environ 1,5 km.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D’HÉLÈNE LEMAY

André Moisan est parvenu à secourir la mère et sa fille après avoir pagayé jusqu’à elles sur environ 1,5 km.

« Par chance, j’avais un kayak double ouvert, sinon ç’aurait été plus complexe. Il a fallu que je coure dans les roches, la boue et l’eau, mais je me suis dépêché et j’ai fait le plus vite que j’ai pu », explique M. Moisan, qui est aussi clarinettiste et saxophoniste à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM).

Visiblement en état de choc, la mère et sa fille « tremblaient et pleuraient » lorsque André Moisan les a atteintes. « Elles ne m’ont presque pas adressé la parole tellement elles étaient sous le choc, sauf pour me dire merci, ce que je comprends totalement. Il s’en est fallu de peu. Quand je suis arrivé, elles avaient de l’eau jusqu’aux genoux », se remémore aussi le principal intéressé.

Il rappelle que la prudence est « de mise » lorsqu’on se promène près des berges du Saint-Laurent. « Tout le fleuve à partir de Québec avec les marées, il faut faire vraiment attention. Les gens ne portent souvent pas de ceintures, mais plutôt des wet suits ou des dry suits, alors que l’eau est vraiment très froide et c’est trop mince. C’est vraiment important de lire la table des marées et prévoir les températures », insiste-t-il.

Les gens doivent s’informer. Il y a beaucoup de personnes qui ne connaissaient pas le fleuve et qui ont un équipement de lac, souvent un petit kayak ou une planche à pagaie et un wet suit. C’est trop peu. Tu peux vite tomber en hypothermie, puis inconscient et tu te noies.

André Moisan, résidant de L’Isle-aux-Coudres

Hélène Lemay, elle, rappelle que l’« illusion de sécurité » que procure la région peut être très risquée dans les circonstances. « Quand il fait beau, c’est facile. On est porté à vouloir aller au bord parce que c’est attirant et ça n’a pas l’air dangereux, mais ça tourne tellement vite avec les vents. Tout peut se lever très rapidement », prévient-elle au passage.

L’impact de la pandémie ?

Pour le directeur général de la Société de sauvetage, Raynald Hawkins, il ne fait pas de doute que la pandémie « fait en sorte qu’on a plus de gens près de l’eau, sur l’eau et dans l’eau au Québec » actuellement.

« Tout ce qui est Charlevoix, Gaspésie, les Îles, la Côte-Nord, bref, le long du fleuve, ce sont des régions très prisées. On augmente donc rapidement les probabilités mathématiques d’avoir un évènement comme celui de L’Isle-aux-Coudres », explique M. Hawkins, qui travaille à prévenir les noyades au Québec depuis plus de 30 ans. Le tronc commun de la plupart des accidents, dit-il également, est « assurément la méconnaissance des lieux ».

« Au printemps, on a lancé une campagne qui s’appelait “Près de l’eau, je réfléchis”. C’était justement à la veille des vacances. Il faut se demander si on connaît le plan d’eau dans lequel on s’en va, si on connaît ses courants, ses risques. Si la réponse est oui, alors on se demande : comment on réagit si quelque chose arrive ? Et sinon, on cherche qui peut nous aider à mieux comprendre », résume le DG.

« Je suis persuadé que dans ce cas-ci, il devait y avoir une méconnaissance du risque ou du danger qui les guettait », conclut Raynald Hawkins.