Enregistrée à son insu par un collaborateur de la police, la femme de Saint-Jude accusée d’avoir fait disparaître des corps pour la mafia avec son conjoint a expliqué clairement quel rôle chacun jouait dans le couple, lorsqu’ils exécutaient des tâches pour le milieu criminel : « Lui c’est les bras, moi je suis le cerveau », a-t-elle lancé en riant.

L’écoute des conversations captées par des micros cachés se poursuit depuis trois jours au procès de Marie-Josée Viau et de Guy Dion, accusés de complot et de participation aux meurtres des frères Vincenzo et Giuseppe Falduto, morts le 30 juin 2016. Le procès doit durer encore plusieurs semaines au Centre de services judiciaires Gouin, près de la prison de Bordeaux.

La thèse de la poursuite est qu’un tueur à gages de la mafia aurait éliminé les deux frères dans le garage du couple, dans une ferme de la Montérégie. Marie-Josée Viau et Guy Dion auraient ensuite brûlé les corps et « nettoyé » toute trace du crime.

Deux ans et demi plus tard, le tueur à gages, dont l’identité est protégée par un interdit de publication, a accepté de porter un micro et de devenir agent civil d’infiltration (ACI) pour la Sûreté du Québec.

Un corps qui bouge

Après une rencontre « fortuite » avec Marie-Josée Viau, l’ACI s’est arrangé pour la revoir et la visiter chez elle, à la ferme de Saint-Jude, afin de la faire parler d’un évènement marquant qu’ils avaient vécu ensemble à cet endroit. Sur l’enregistrement qu’on a fait entendre au jury, le tueur à gages se remémore le fait qu’il y avait des corps, ce jour-là, dont un qui avait fait un mouvement même s’il était mort.

« C’est les nerfs, c’est normal », répond la femme sur l’enregistrement.

Elle explique que le feu allumé par la suite sur son terrain était si intense qu’elle avait peur que les câbles électriques autour s’enflamment. Son mari, qui travaillait alors comme pompier, était impressionné, dit-elle.

Guy a vu du monde brûler parce qu’il est pompier. Y a jamais brûlé quelqu’un. Guy, il était traumatisé.

Marie-Josée Viau, dans un enregistrement diffusé à son procès

Au fil des conversations, elle parle de sa propre ingéniosité, de sa débrouillardise, de son cran et de son ambition. Elle évoque avec le tueur à gages plusieurs évènements au sein du crime organisé, et mentionne qu’elle et son conjoint ont rendu plusieurs services à des gens du milieu, comme servir de chauffeur, faire de la surveillance, livrer des munitions.

Elle explique bien comprendre ce milieu et s’y sentir à l’aise. Elle raconte avoir été élevée en partie par sa grand-mère italienne. Son conjoint, lui, s’y connaît un peu moins, dit-elle. « Guy a pas la mentalité italienne. Y a pas été élevé avec des Italiens. Il sait pas comment ça fonctionne. »

Elle décrit son conjoint comme un homme naïf, qui parle très peu et « travaille comme un animal ».

« Guy, y est fucking mou, man. À part steak blé d’Inde patate là, pâté chinois là, esti, tsé, Guy il rentre chez eux, y se couche, pis y dort là », dit-elle.

« Les humains le méritent pas »

Elle parle de personnes qui semblent influentes, selon ses propos, au sein du milieu criminel. « J’ai pas peur de m’asseoir pis de les affronter », dit la femme. Elle dit aussi que la vie tranquille ne l’intéresse pas. « Je rêve pas d’avoir une maison, mon chien, ma p’tite famille », illustre-t-elle.

À l’époque où le tueur à gages l’avait retrouvée « par hasard », Marie-Josée Viau faisait de la comptabilité, travaillait comme inspectrice en bâtiment et arrondissait ses fins de mois en travaillant la fin de semaine au restaurant La Belle Province. Elle avait besoin d’argent, répétait-elle souvent, et sa formation en génie civil ne lui assurait plus un revenu fiable.

« J’ai perdu ma job en 2013 quand y a eu la commission Charbonneau. Pis ensuite, à toutes les fois que je postulais, mettons dans mon métier, y a rien qui rentrait », l’entend-on dire sur l’enregistrement.

Dans l’enregistrement, Marie-Josée Viau raconte s’être impliquée pendant un temps en politique, avoir côtoyé « des gens qui passent à la télévision pis prennent des décisions au gouvernement », mais avoir été dégoûtée par ce milieu.

Pendant des heures et des heures, le tueur à gages stimule la conversation, l’incite à parler. À un certain point, il s’intéresse à des animaux qu’elle garde à la maison pour un de ses enfants. Des cochons d’Inde. « Sont sur le bord de mourir. On donne une deuxième vie aux gens. C’est peut-être une rédemption ou le karma, je sais pas », laisse-t-elle tomber.

Elle rit un coup, puis reprend. « J’en donne pas aux humains, mais aux animaux », dit-elle.

« Les humains le méritent pas », réplique le tueur à gages.