Ils veulent une centaine d’heures pour interroger 19 Hells Angels

Les avocats du Procureur général du Québec (PGQ) ont l’intention de faire des interrogatoires au préalable, durant un maximum de cinq heures chacun, à 19 Hells Angels qui poursuivent l’État pour 85 millions, parce qu’ils considèrent avoir été détenus illégalement à la suite de l’opération SharQc menée en avril 2009.

C’est ce que révèle une décision rendue vendredi dernier par la Cour d’appel du Québec dans laquelle le plus haut tribunal de la province a débouté les motards qui voulaient se soustraire à cet exercice.

Après que le juge James L. Brunton de la Cour supérieure eut mis fin au seul procès entamé dans la foulée du projet SharQc pour « un grave abus de procédures » à l’automne 2015, ce groupe de 19 Hells Angels a déposé une poursuite civile contre l’État de 65,5 millions en dommages-intérêts et de 1 million de dollars chacun (19 millions) en dommages punitifs.

Pour préparer leur défense, les avocats du gouvernement ont toutefois annoncé leur intention d’interroger chacun d’entre eux au préalable en lien avec la preuve et les faits relatifs au dossier SharQc.

Les motards ont toutefois refusé, arguant notamment que cet exercice serait trop long et inutile, et que la preuve serait « si peu pertinente qu’elle en serait abusive ».

Les Hells Angels se sont d’abord adressés à la Cour supérieure qui, en septembre 2019, a plutôt donné raison au PGQ, concluant qu’elle devait favoriser la divulgation de la preuve la plus complète possible et que ce sera au juge saisi du fond de l’affaire d’en évaluer la pertinence.

Arguments rejetés

Devant cet échec, les motards ont porté leur cause devant la Cour d’appel, reprochant entre autres au juge de première instance de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance au jugement du juge Brunton et à la violation de leurs droits constitutionnels découlant des omissions dans la divulgation de la preuve.

Ils lui reprochaient aussi d’avoir erré en n’abordant pas la question de la proportionnalité des interrogatoires au préalable et en ne fixant pas des balises pour en limiter la portée.

Mais la Cour d’appel a rejeté tous leurs arguments vendredi.

[L]es faits établis dans le cadre du dossier SharQc pourraient, pour une certaine partie à tout le moins, être pertinents pour établir le lien de causalité et le préjudice subi par les appelants, de même que le caractère juste et convenable des dommages réclamés.

Extrait de la décision de la Cour d’appel

« [L]e juge ne commet pas d’erreur en concluant que la preuve des faits relatifs au dossier SharQc peut être pertinente en l’espèce et particulièrement au stade des interrogatoires au préalable. D’ailleurs, il faut souligner le caractère général de l’objection des appelants qui vise à écarter, de quelque façon que ce soit, toutes preuves relatives au dossier SharQc », écrivent notamment les juges Marc Schrager, Geneviève Cotnam et Lucie Fournier de la Cour d’appel dans leur décision de 11 pages rendue vendredi dernier.

Quant à la durée et à la portée des interrogatoires au préalable, les magistrats affirment « qu’il reviendra aux parties de veiller à l’application des principes de la proportionnalité lors des interrogatoires au préalable et que le Code de procédure civile prévoit des mesures permettant aux parties de s’en assurer ».

Les 19 motards visés par cette décision de la Cour d’appel sont Roberto Campagna, Marc Readman, Daniel Royer, Jean-Damien Perron, Jean-Paul Ramsay, Michel Guertin, Guy Dubé, Claude Lavigne, Bernard Plourde, Normand Labelle, Bertrand Joyal, Michel Langlois, Dean Moore, Stéphane Plouffe, Éric Bouffard, Gaetan Proulx, Clermont Carrier, Sylvain Tétreault et Frédéric Landry-Hétu.

Un autre groupe de Hells Angels — composé de Daniel Beaulieu, Christian Ménard et John Coates — poursuit l’État pour une somme totale de 20 millions.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.