(Montréal) Les professionnels de la santé devraient être obligés de divulguer l’inaptitude à conduire d’un patient à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Celle-ci devrait aussi s’assurer que les conducteurs lui signalent tout changement à leur état de santé lorsqu’ils renouvellent leur permis, comme le prévoit le Code de la sécurité routière.

Il s’agit là d’une des 15 recommandations du Conseil d’experts chargé de revoir les orientations que la SAAQ a rendues publiques en dévoilant son plan triennal 2022-2024, en avril dernier.

Bien que la plupart des recommandations du Conseil d’experts dévoilées mercredi endossent les orientations de la Société, l’organisme n’en émet pas moins quelques réserves, notamment au chapitre de la sécurité routière.

Sans faire de reproche direct, le Conseil rappelle tout de même qu’il avait fait une recommandation en ce sens dans son dernier rapport en 2018 et souligne qu’elle s’inscrit en ligne directe avec « une recommandation faite récemment par un coroner appelé à faire enquête sur un accident impliquant un conducteur qui avait été visé par plusieurs demandes des policiers pour que ses capacités à conduire soient évaluées ».

L’état de santé, une question de sécurité

L’organisme fait valoir que même si une approche plus coercitive peut entraîner une perte de permis, elle vise principalement à adapter les conditions du permis à l’état de santé des conducteurs et à mieux sensibiliser les conducteurs aux risques d’accidents liés à leur état de santé. C’est une démarche de cette nature qui fait en sorte qu’un permis indique si son détenteur doit porter des lunettes, ou un appareil auditif, s’il est soumis à des restrictions sur les heures de conduite, le type de véhicule conduit, un équipement obligatoire et autres.

Dans l’état actuel des choses, les personnes de 75 ans et plus et les conducteurs professionnels, notamment, sont soumis à des contrôles obligatoires et le Code de la sécurité routière oblige tout conducteur à informer la Société d’un changement à son état de santé, mais il semble que cette obligation soit peu connue.

Du côté des professionnels de la santé, les règles déontologiques obligent les médecins à signaler les conducteurs inaptes, mais le Conseil note qu’« aucune disposition légale ne les y contraint ». Il signale que le Code de la sécurité routière stipule que : « Tout professionnel de la santé peut [et non pas doit] […] faire rapport à la Société » de l’état de santé d’une personne qu’il juge inapte à conduire un véhicule.

Dans son avis, le Conseil dit craindre « que certains conducteurs dont l’état de santé s’est détérioré au fil des ans n’échappent aux contrôles mis en place par la Société ».

Motos : requalification obligatoire

Dans un autre dossier, l’organisme recommande d’implanter « le plus rapidement possible un programme, permanent et obligatoire, de requalification ou de réévaluation des compétences afin de pallier l’inexpérience de conduite de certains titulaires d’un permis moto, particulièrement celle des motocyclistes non-propriétaires qui bénéficient de la clause dite’de droits acquis’ ».

Le Québec compte environ 300 000 personnes qui possèdent un permis de conduire une motocyclette, mais qui ne sont pas propriétaires d’une moto. Le Conseil estime « plausible de croire qu’une bonne partie de ces personnes n’ont pas conduit de moto depuis de nombreuses années ou n’en ont peut-être même jamais conduit » et que « la plupart d’entre elles n’ont probablement jamais suivi de cours de conduite d’une moto ». Une proportion importante de ces détenteurs de permis de moto l’ont obtenu avant que les cours de conduite deviennent obligatoires alors que d’autres l’ont obtenu à l’époque où le permis de conduire une moto était automatiquement octroyé avec le permis de conduire un véhicule de promenade.

Le Conseil rappelle à la SAAQ que « tous les nouveaux conducteurs sont plus à risque durant leurs premières années de conduite, et ce, quel que soit leur âge, et que le risque d’accident est plus élevé lorsqu’on conduit un nouveau véhicule, et ce, quels que soient l’âge ou l’expérience du conducteur ». Bien qu’il accueille positivement le programme expérimental de mise à niveau des connaissances et techniques de conduite des motocyclistes, il invite Société à mettre en place rapidement un programme, « permanent et obligatoire, de requalification ou de réévaluation des compétences afin de pallier l’inexpérience de conduite de certains titulaires d’un permis moto ».

Taxis et Uber : manque à gagner en vue

Do côté tarification, le Conseil s’étonne que la SAAQ n’ait pas suivi la proposition de son équipe de tarification d’assurance en ce qui a trait aux propriétaires de véhicules offrant du transport rémunéré, une catégorie qui comprend à la fois les taxis et les services privés de type Uber. La Société a en effet décidé de fixer leur contribution à 148,19 $ pour l’année 2022.

D’une part, cette contribution est inférieure — et de loin — aux 819,61 $ que payaient les propriétaires de taxis en 2020. D’autre part, le Conseil note que « la Société a décidé de fixer une contribution d’assurance en se fondant non pas sur le risque d’accident de cette industrie, mais sur le risque d’accident d’une industrie comparable, soit celle des minibus. qui fait aussi du transport de personnes ».

Bien qu’il reconnaisse que « l’industrie du transport rémunéré de personnes est nouvelle » et qu’il est donc difficile d’estimer le nombre de véhicules qui en feront et leur éventuel bilan routier, le Conseil semble convaincu que cette contribution sera insuffisante. Il recommande en effet « d’ajuster les contributions d’assurance des véhicules offrant du transport rémunéré de personnes lors du prochain cycle de tarification afin d’atteindre le plein financement de cette catégorie de véhicules, et ce, sans égard à la limite de la hausse annuelle de 15 % des contributions d’assurance ».

Revenant aux motocyclistes sans expérience, il recommande en termes de tarification d’implanter d’abord « des mesures de contrôle des aptitudes à conduire des motocyclistes sans expérience afin d’être en mesure, par la suite, de répartir le coût d’assurance entre le permis de conduire et l’immatriculation des motocyclistes selon le principe de risque ». Puis « de mener les études nécessaires afin de tenir compte, le cas échéant, dans la tarification des motocyclistes, de l’expérience de conduite, de la formation et de la possession de multiples véhicules ».

Surplus : des règles plus contraignantes

Enfin, le Conseil d’experts demande à la SAAQ de modifier sa politique de capitalisation. La SAAQ a engrangé de tels surplus qu’elle a dû annoncer en avril dernier un congé de paiement pour les détenteurs de permis de véhicules de promenade en 2022 et 2023 et une réduction substantielle des contributions des motocyclistes.

Dans son rapport, le Conseil remarque que lorsque le Fonds d’assurance est en situation excédentaire, « la Société peut (et non pas doit) utiliser le surplus au-delà de 120 % pour les fins auxquelles est affecté le Fonds d’assurance. Le Conseil d’experts estime que cette formulation n’est pas suffisamment contraignante ».

Là aussi, l’organisme avait avisé la SAAQ en 2018 de « rendre obligatoire le retour du taux de capitalisation » à l’intérieur de la fourchette de 110 % à 120 % lorsque celui-ci était trop élevé : « Le Conseil d’experts voulait ainsi éviter que la Société accumule un surplus trop important », ce qui s’est produit à la fin du dernier exercice triennal et qui enfreint « le principe d’équité intergénérationnelle ».

Le taux de capitalisation, qui mesure si l’actif du Fonds d’assurance peut couvrir les indemnités versées aux accidentés de la route, s’élevait à 156 % à la fin de 2020.