(Ottawa) Un avocat dit qu’un document numérique contenant des renseignements confidentiels de sécurité nationale a été laissé à sa porte, sans qu’on lui demande une signature ou lui laisse un mot de passe.

Benjamin Perryman représente un couple de Roms hongrois – Attila et Andrea Kiss – qui reproche aux autorités canadiennes d’avoir fait preuve de discrimination sur une base ethnique en annulant son « autorisation de voyage électronique » à l’aéroport de Budapest en 2019.

Le gouvernement fédéral rejette l’accusation.

En avril, la Cour d’appel fédérale a ordonné au ministre de l’Immigration d’envoyer des documents confidentiels ​contenant des critères de sélection aux parties impliquées dans cette cause en utilisant un mode de livraison sécurisé.

Me Perryman, qui enseigne le droit constitutionnel à l’Université du Nouveau-Brunswick, dit que le service de livraison FedEx a tout simplement laissé un disque compact dans le cadre de sa porte, à Halifax. Le document n’était pas crypté et n’exigeait pas un mot de passe. Personne n’a demandé sa signature pour indiquer qu’il l’avait bien reçu.

La Presse Canadienne a vu des photos d’une enveloppe logée dans la porte.

Selon l’avocat, cette méthode de livraison contredit les déclarations du gouvernement fédéral voulant que la publication des indicateurs – utilisés pour dépister des immigrants irréguliers potentiels avant leur arrivée au pays – nuise à la sécurité nationale.

« Le Canada prétend que si le matériel tombait entre de mauvaises mains, il y aurait un préjudice substantiel, a déclaré Me Perryman. J’arrive chez moi et je trouve ça logé dans ma porte, à l’extérieur. Le vol de colis est courant au Canada, notamment dans mon quartier. Ce n’est pas une possibilité lointaine. »

Le ministère de l’Immigration a déclaré que le gouvernement « prend très au sérieux les problèmes de confidentialité et de sécurité ».

« Des processus relatifs à la transmission des documents judiciaires et à la protection de la vie privée et des informations confidentielles sont en place. Ils seront réitérés à tous les employés afin d’éviter toute nouvelle répétition », a expliqué un porte-parole, Jeffrey MacDonald.

L’envoi comportait une lettre d’accompagnement indiquant que le gouvernement avait obtenu la permission du tribunal d’envoyer le document sous forme de CD-ROM, ajoute Me Perryman. Toutefois, il n’était pas crypté.

Ce n’est pas le premier incident du genre impliquant l’avocat et ses clients.

Selon un affidavit d’un gestionnaire de l’Agence des services frontaliers du Canada, le gouvernement a envoyé en février à Me Perryman des fichiers contenant des « informations confidentielles ». Des agents avaient tenté de les dissimuler à l’aide du logiciel Microsoft Pain, mais elles pouvaient être retrouvées à l’aide d’une souris.

Un juge avait alors ordonné à Me Perryman d’effacer les fichiers. L’avocat les avait partagés avec Gabor Lukacs, le président d’un groupe de défense des droits des passagers aériens.

Ce sont ces fichiers que l’avocat a reçus de nouveau. M. Lukacs a lui aussi reçu une enveloppe livrée par FedEx dans les mêmes conditions que celles de l’avocat néo-écossais.

M. Lukacs croit que les responsables fédéraux tentent d’utiliser « la sécurité nationale comme un écran de fumée pour dissimuler la discrimination raciale », une allégation que le gouvernement rejette.

Il a également fourni des documents provenant d’une demande d’accès à l’information montrant qu’il avait reçu sous une forme non expurgée une partie du même texte noirci par l’Agence canadienne des services frontaliers.

D’autres pays occidentaux publient souvent leurs critères de sélection, qui sont en grande partie du domaine public, a-t-il déclaré.

Me Perryman avance que ce sont des gouvernements opaques qui justifient la rétention d’informations sous le prétexte de la sécurité nationale. Cela peut avoir des implications pour les droits fondamentaux.

« Cette approche prive tous les Canadiens d’être réellement en mesure de voir le travail de la cour et d’évaluer les politiques du Canada, qu’elles soient ou non discriminatoires à l’égard des voyageurs et qu’elles soient ou non défendables au nom du Canada. »

Lorsqu’on lui demande les raisons pour garder la confidentialité des indicateurs de sécurité, l’Agence des services frontaliers cite un article de la Loi sur l’immigration et la protection de réfugiés, autorisant le ministre à interjeter appel de toute décision exigeant la divulgation de renseignements qui « porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui ».

« Aucun commentaire ne sera formulé sur le sujet », a écrit une porte-parole de l’agence, Rebecca Purdy, au sujet des critères de sélection.