(Montréal) L’Observatoire des communautés noires du Québec voit officiellement le jour. L’une de ses missions sera d’étudier en profondeur les difficultés rencontrées par les jeunes Afro-Québécois afin de proposer des solutions concrètes pour se débarrasser des inégalités sociales qui jonchent leur parcours.

L’initiative germait depuis longtemps dans la tête des membres des communautés noires du Québec et elle devient maintenant une réalité.

« C’est l’idée d’une collectivité qui se prend en main », résume Édouard Staco, président du Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires. Le Sommet regroupe une cinquantaine d’organismes qui ont participé à la création de l’Observatoire avec de nombreux citoyens motivés, décrit-il.

L’un de ses objectifs est de déterminer avec précision comment le racisme anti-Noir affecte le développement socio-économique des jeunes, explique Désirée Rochat, la directrice des programmes de l’Observatoire.

Il faut des constats détaillés, et bien documenter la réalité des différentes communautés — qui varient selon les régions du Québec où elles résident — afin de proposer des solutions qui vont fonctionner parce qu’elles seront réellement adaptées à ce qu’elles vivent.

Le mandat est de taille : les Afro-Québécois appartiennent à des communautés diversifiées. Même s’ils font face à un défi commun qui est le racisme anti-Noir, ils rencontrent aussi des obstacles différents, notamment pour ceux qui sont arrivés récemment au pays, explique Mme Rochat.

Le Québec compte près de 320 000 afrodescendants, soit un Québécois sur 25, rappelle M. Staco. Si environ la moitié d’entre eux sont d’origine haïtienne, il y a aussi bon nombre de Québécois qui sont originaires d’Afrique ou des Caraïbes. Et d’autres sont des Noirs canadiens « de vieille souche », précise-t-il.

L’Observatoire a été créé grâce au soutien financier de la Fondation Lucie et André Chagnon et est doté d’un budget de 6 millions sur cinq ans.

Organisme indépendant des gouvernements, il espère toutefois que ses travaux pourront alimenter les actions qui seront prises dans les prochaines années.

Il y a déjà beaucoup de projets en marche dans les communautés noires, « mais pour s’améliorer, pour aller plus loin, il faut plus d’informations », martèle M. Staco.

Certains constats sont déjà établis, relève l’Observatoire. Par exemple, depuis plus de 40 ans, le taux de chômage des personnes noires au Québec est près de deux fois plus élevé que la moyenne provinciale. À Montréal, 26,5 % des femmes des communautés noires possèdent un diplôme universitaire, contre 36,2 % chez les femmes en général, et 18,2 % des enfants des familles noires vivent sous le seuil de la pauvreté comparativement à 11,1 % des enfants dans la population générale vivant dans la métropole.

Ainsi, Mme Rochat a souligné qu’il est important de comprendre pourquoi, dans le milieu de l’éducation comme dans le marché du travail, de jeunes Noirs atteignent certains paliers, mais ne réussissent pas à en franchir d’autres. Ce qui permettra de proposer des solutions pour qu’ils aient les mêmes opportunités que les autres.

Pourquoi cet Observatoire ?

Mais quelle est la nécessité de se pencher spécifiquement sur les défis rencontrés par les Afro-Québécois par rapport aux autres minorités ?

Le racisme existe envers plusieurs groupes minoritaires, notamment les Autochtones, convient M. Staco, mais « quand on le traite dans sa globalité, on peut manquer la cible ». Certains aspects du racisme vécu par différentes minorités sont similaires, mais d’autres sont réellement différents, d’où le besoin d’étudier les divers groupes de façon spécifique.

La progression du niveau de vie stagne chez les communautés noires ce qui n’est pas le cas des Québécois d’origine asiatique, donne-t-il en exemple.

« L’impact du racisme se joue différemment », résume de son côté Mme Rochat.

Les travaux de l’Observatoire seront rendus publics, car le partage de connaissances est à la base de sa mission, explique M. Staco.

« Partout où on a combattu le racisme anti-Noir, on s’est retrouvés avec une amélioration pour tous. C’est toute la société qui s’en porte mieux ».

Il donne en exemple la lutte de Martin Luther King qui a changé la donne pour les Afro-Américains et qui a en même temps donné de l’essor aux libertés civiles au bénéfice de tous.

Le travail de l’Observatoire en sera un de collaboration entre le milieu « terrain », c’est-à-dire les organismes communautaires qui sont déjà à pied d’œuvre, le milieu de recherche universitaire et les jeunes eux-mêmes. Il y aura d’ailleurs un programme de stage pour eux.

L’Observatoire devrait devenir un incubateur de jeunes chercheurs, précise Mme Rochat, qui est aussi une organisatrice communautaire et doctorante en éducation.

Pour M. Staco, l’Observatoire gardera aussi cet idéal en tête : faire en sorte que sa mission n’ait plus de raison d’être, ce qui arrivera si toutes les inégalités deviennent un jour choses du passé.