(Ottawa) Un nouveau rapport du comité sénatorial des droits de la personne affirme que la stérilisation forcée de femmes autochtones se produit encore au Canada aujourd’hui.

Elle criait qu’elle « ne voulait pas de ça », mais c’est arrivé quand même.

Une femme crie venait de donner naissance à son sixième enfant à Saskatoon, lorsqu’on lui a présenté un formulaire de consentement pour sa stérilisation.

« Elle a essayé de s’éloigner de la salle d’opération, mais le médecin l’a ramenée en direction de la même salle d’opération », indique un nouveau rapport gouvernemental, qui détaille la stérilisation de la femme en 2001.

« Quand elle était dans la salle d’opération, elle n’arrêtait pas de demander au médecin si c’était terminé. Finalement, il a dit : “Oui. Coupé, attaché et brûlé. Là, rien ne passe à travers ça.” »

La femme, appelée S. A. T., est l’une des 16 femmes qui ont partagé leurs expériences sur leur stérilisation dans le rapport d’un comité sénatorial des droits de l’homme.

Le rapport, publié jeudi, indique que la stérilisation forcée des femmes autochtones n’est pas une question du passé.

Le comité exhorte le gouvernement fédéral à enquêter sur la pratique « odieuse » en compilant des données et en y mettant fin.

Le document indique que le nombre précis de femmes autochtones soumises à une stérilisation forcée ou sous contrainte au Canada n’est pas clair.

Il fait également valoir que la pratique nuit à d’autres groupes marginalisés et vulnérables du pays, notamment les femmes noires et les autres personnes de couleur.

La plupart des femmes interrogées pour la rédaction du rapport ont été stérilisées de force entre 2005 et 2010. Le comité dit avoir connaissance d’un cas de stérilisation forcée aussi récent qu’en 2019.

« Certaines des femmes autochtones qui ont été forcées ou sous contrainte de se faire stériliser vivent dans des réserves dans des régions éloignées. Les hôpitaux sont souvent très éloignés et nécessitent des déplacements importants, parfois par avion », indique le rapport.

« Loin de leur famille et de leur communauté pour accoucher, de nombreuses femmes autochtones rencontrent des barrières linguistiques et culturelles. De nombreuses femmes ne reçoivent pas les informations ou le soutien adéquats pour comprendre et être informées de leurs droits, y compris leurs droits sexuels et reproductifs. »

Jusqu’en 1972, l’Alberta avait une loi exigeant la stérilisation forcée ou sous contrainte des personnes considérées comme « déficientes mentales ». En Colombie-Britannique, la même loi existait jusqu’en 1973.

« Les personnes considérées comme “déficientes mentales” n’étaient pas les seules cibles – les Européennes de l’Est ainsi que les Inuits, les Premières Nations et les Métis ont également été ciblées et stérilisées de manière disproportionnée », indique le rapport.

Karen Stote, professeure adjointe d’études sur les femmes et le genre à l’Université Wilfrid Laurier, a déclaré dans le rapport que malgré l’abrogation des lois provinciales sur l’eugénisme, la stérilisation forcée ou contrainte des femmes autochtones s’est poursuivie dans les « hôpitaux indiens » gérés par le gouvernement fédéral.

Environ 1150 femmes autochtones ont été stérilisées dans ces hôpitaux sur une période de 10 ans jusqu’au début des années 1970, indique le rapport.

« Il y avait un climat de racisme et de paternalisme menant à l’idée que la stérilisation était pour le bien de certaines femmes », a déclaré Karen Stote dans le rapport.

« Ces attitudes et croyances continuent de sous-tendre la politique de santé aujourd’hui et contribuent à la pratique de la stérilisation forcée ou contrainte ». « 

La présidente du comité sénatorial des droits de la personne, Salma Ataullahjan, a déclaré que le gouvernement fédéral devait étudier la question plus en profondeur.

« La prévalence de cette horrible pratique est à la fois sous-rapportée et sous-estimée », a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse.

« Le comité est profondément préoccupé par le fait que, tout comme les femmes autochtones, d’autres groupes vulnérables et marginalisés au Canada sont touchés par la stérilisation sous contrainte ou forcée, notamment les femmes handicapées, les femmes racialisées, les enfants intersexes et les personnes institutionnalisées », a ajouté la vice-présidente du comité, Wanda Thomas Bernard.

« Les parlementaires doivent comprendre toute l’étendue de ce problème si nous voulons initier des solutions efficaces et significatives. »

Le cabinet du ministre fédéral de la Santé n’a pas répondu à une demande de commentaires sur le rapport.