(Ottawa) La commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, rejette l’idée de mandater un procureur spécial pour enquêter sur les nombreux cas de femmes agressées par leurs collègues masculins au sein de son corps de police.

Brenda Lucki a déclaré au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, mercredi, que les détails liés à ces affaires avaient été confiés en toute confidentialité à l’ex-juge de la Cour suprême Michel Bastarache qui avait le mandat de rédiger un rapport sur le harcèlement dans les rangs de la GRC.

Ainsi, la commissaire Lucki estime qu’il revient à ces femmes, sur une base individuelle, d’aller de l’avant et de porter plainte si elles souhaitent qu’une enquête criminelle soit ouverte.

« On ne peut pas… deviner qui sont les agresseurs, parce que tout ça a été fait de manière confidentielle », a-t-elle dit.

Mais si un geste criminel a été posé, il est primordial que ces femmes portent plainte pour qu’une enquête soit ouverte à l’extérieur de la GRC, a-t-elle poursuivi.

« Nous n’avons pas besoin de procureurs spéciaux… Il faut que ce soit amener devant un tribunal canadien et que des accusations soient portées et que des gens répondent de leurs actes si les preuves sont là », considère la commissaire.

Dans son rapport publié en novembre, l’ex-juge Bastarache conclut que des changements fondamentaux sont nécessaires afin d’enrayer la culture toxique au sein de la GRC qui tolère des comportements haineux et homophobes.

Michel Bastarache était l’évaluateur indépendant chargé de superviser l’attribution de compensations totalisant des millions de dollars versées aux 2304 femmes incluses dans une action collective contre la GRC pour des sévices commis pendant des décennies.

L’ex-juge a souligné qu’un niveau de violence troublant lui a été rapporté par les plaignantes, incluant plus de 130 agressions sexuelles avec pénétration.

D’autres ont décrit un environnement de travail sexualisé à la GRC. Un climat qui incluait l’usage fréquent d’un langage déplacé, dégradant, faisant référence aux corps des femmes ainsi que des blagues à caractère sexuel et des propos discriminatoires. Des contacts non désirés à caractère sexuel ont aussi été dénoncés, selon le rapport Bastarache.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a fait remarquer, mercredi, qu’il serait totalement inapproprié pour lui d’exiger une enquête criminelle de la GRC.

Il souligne qu’il a la responsabilité de superviser les activités de la GRC, mais qu’il n’a aucun ordre à donner à la commissaire dans la gestion de ses opérations.

« Et plus particulièrement, je ne suis pas impliqué dans le déclenchement d’enquêtes criminelles ou dans les conclusions de ces mêmes enquêtes », a-t-il mentionné.

Les députés de l’opposition ont exprimé leur malaise en insistant sur le fait qu’il faudrait faire plus pour s’attaquer à ces troublantes allégations.

La députée conservatrice Shannon Stubbs s’est faite la porte-parole de ses collègues pour affirmer que, peu importe leur couleur politique, les membres du comité sont tous profondément inquiets de savoir ce qui adviendra de la suite de ce rapport.

« Que va-t-il arriver en matière de justice pour les victimes et de conséquences pour les agresseurs ? », a-t-elle demandé.

Le rapport Bastarache, intitulé « Rêves brisés, vies brisées », conclut en disant que la transformation ne peut pas venir d’elle-même à l’intérieur de la GRC. Elle doit passer par un processus externe d’analyse profonde de l’institution et de son avenir en tant que force policière fédérale.