La Ville de Vancouver s’apprête à accueillir dès l’an prochain le championnat de Formule E, la course de voitures électriques qui a coûté l’élection à l’ancien maire Denis Coderre en 2017. Les autorités municipales assurent avoir appris des erreurs de Montréal et elles misent sur l’évènement et son promoteur québécois pour relancer l’activité économique post-pandémie.

Contrairement à Montréal, cependant, la métropole du Pacifique ne prévoit pas débourser un cent pour accueillir l’épreuve.

Le conseil municipal de Vancouver vient de se prononcer en faveur de la tenue du championnat, sur des terrains privés. La course doit s’insérer au cœur d’un « évènement musical et culturel » de trois jours sur le thème des changements climatiques et de l’électrification des transports.

« Ce n’est pas seulement une course, dit le conseiller. Il y aura une exposition sur l’électrification, et ils vont installer des bornes de recharge. Ce sera un legs pour Vancouver. »

Le promoteur veut contacter des artistes comme Justin Timberlake, Coldplay, Post Malone et Childish Gambino, selon l’argumentaire qui circule ces jours-ci auprès de commanditaires potentiels. La Presse en a obtenu une copie.

Toujours selon ce document, la programmation commencerait avec le forum d’affaires sur le développement durable, qui se poursuivrait le lendemain. Un premier spectacle destiné à une clientèle de jeunes adultes serait programmé au deuxième jour. La course des bolides silencieux se tiendrait le dernier jour. L’évènement présenterait un spectacle grand public en activité de clôture.

« Il n’y a aucuns frais, aucun coût en capital, et tous les travaux que pourrait devoir faire la Ville seront payés par l’organisateur », dit au téléphone Michael Wiebe, l’un des deux conseillers municipaux qui parrainaient la résolution adoptée mercredi à Vancouver.

Les discussions durent depuis 14 mois entre la Ville et le promoteur de l’évènement, l’entreprise québécoise OSS Group. Elles ont d’ailleurs beaucoup évolué depuis les premiers pourparlers.

« L’an dernier, ils ont dit qu’ils voulaient de l’argent, une certaine configuration de rues, dans un certain secteur… On a rejeté tout ça », raconte Michael Wiebe. Aujourd’hui, les parties croient avoir trouvé un terrain d’entente, mais le contrat n’est toujours pas signé.

OSS, dont les dirigeants sont Matthew Carter et Anne Roy, a pris la relève de l’organisme Montréal, c’est électrique, qui avait organisé l’édition de 2017. Il a été impossible de parler à M. Carter mercredi.

À Vancouver, des terrains privés sont disponibles dans le secteur False Creek, au centre-ville. Les organisateurs y aménageront un circuit pour deux ans.

Les promoteurs pensent ainsi pouvoir minimiser les désagréments pour la population durant la course.

Une édition montréalaise catastrophique

Tout un contraste avec l’édition du Grand Prix de Formule E qui s’est tenue à Montréal les 29 et 30 juillet 2017. L’évènement était dirigé par l’organisme à but non lucratif Montréal, c’est électrique, qui servait en quelque sorte de paravent à la Ville, laquelle a investi environ 25 millions dans l’aventure.

Le maire Coderre, à l’époque, avait donné son accord à un circuit urbain dans le secteur de la Maison de Radio-Canada, en partie résidentiel. Cette décision avait suscité la colère des habitants du voisinage, qui s’étaient sentis pris en otage chez eux pendant 14 jours. Un rapport du Bureau de l’inspecteur général a ensuite blâmé l’administration Coderre dans ce dossier.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Denis Coderre à Montréal lors de l’édition 2017 du Grand Prix de Formule E

À sa défense, Denis Coderre rétorquait avoir agi rapidement pour pouvoir mettre la main à bon prix sur un évènement certes méconnu, mais en phase avec son époque et porteur d’avenir.

On connaît la suite. Denis Coderre a été battu par Valérie Plante, qui a tout simplement décidé d’annuler la course électrique, faute de solutions de remplacement à coût raisonnable. L’organisateur du championnat a déposé une poursuite de 33 millions contre la Ville pour rupture de contrat.

L’administration qui a été élue en 2017 a interprété, avec raison selon moi, son élection comme un désaveu de l’époque Coderre et de ses œuvres. Et la principale œuvre désavouée, c’était la Formule E.

Danielle Pilette, professeure de l’UQAM et observatrice attentive de l’actualité municipale à Montréal

Trois ans plus tard, Vancouver veut transformer l’épreuve en happening sur le thème du transport durable. Montréal n’aurait-il pas mieux fait de remonter le peloton après un mauvais départ que d’abandonner la course et d’hériter d’une poursuite ?

« On a peut-être jeté le bébé avec l’eau du bain, reconnaît Mme Pilette aujourd’hui. Ça aurait été plus habile politiquement et aussi économiquement de proposer un genre de nouveau pacte. Mais le sujet était devenu toxique. »

De son côté, la Ville croit toujours avoir fait le bon choix.

« Devant les conclusions du rapport de l’inspecteur général, il était inconcevable de renouveler le contrat pour la formule E. Nous avons fait le choix de respecter les recommandations du service des affaires juridiques et ne pas reconduire ce contrat opaque, au bénéfice des Montréalais », a fait savoir le cabinet de la mairesse Valérie Plante par courriel.