Le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, défend le transfert des programmes de prévention en petite enfance à la Directrice nationale de la protection de la jeunesse. Ces changements, dit-il, visent à assurer « une trajectoire fluide » aux enfants qui vivent en milieu vulnérable.

« Ce qu'on veut, c'est que la trajectoire soit fluide pour la prévention et l'intervention. Et actuellement, c'est tout sauf ça, dit le ministre, qui a tenu à réagir à notre article publié ce matin, faisant état de l'insatisfaction des directions régionales de santé publique quant aux transferts de ces programmes. Quand on a un suivi dans un programme de prévention et qu'on constate une situation, il faut faire un signalement, et on retombe dans des listes d'attente. Ça prend une vision globale pour qu'il n'y ait pas de bris de service. »

Le ministre s'étonne de la sortie des directeurs régionaux de santé publique, puisqu'il n'a reçu la lettre faisant état de leurs doléances que samedi. « Et lundi matin, je lis votre article. Ça m'a coupé le souffle. » La lettre reçue par le ministre est signée par le docteur Alain Poirier, directeur de la santé publique de l'Estrie, note-t-il. « On ne peut pas dire que l'Estrie est une région qui fonctionne très bien en matière de protection de la jeunesse. Les signalements y ont augmenté de 175% au cours des cinq dernières années », dit le ministre, laissant entendre que le nombre de signalements pourrait être moindre si les programmes de prévention étaient plus efficaces.

La nomination de la nouvelle directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay, a soulevé l’ire des Directions régionales de santé publique (DRSP) puisqu’elle désire rapatrier sous son aile l’ensemble des programmes préventifs qui s’adressent à la petite enfance, même si les enfants qu’on y suit ne sont pas sous la tutelle de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Lemay, nouvelle directrice nationale de la protection de la jeunesse

Ces programmes, dont le plus connu est probablement le programme OLO, qui offre des œufs, du lait et des oranges aux mères qui vivent en milieu défavorisé, ou le programme SIPPE, qui soutient les mères vulnérables avant et après l’accouchement, relèveraient donc désormais de Mme Lemay. Cette dernière, qui a le titre de sous-ministre, sera en effet à la tête d’une toute nouvelle direction du ministère dirigé par Lionel Carmant, la Direction du développement et du bien-être des enfants.

« C’est un peu une erreur », estime le DYv Bonnier-Viger, directeur de santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, qui s’est fait le porte-parole de toutes les DRSP dans une entrevue qui s'est tenue dimanche avec La Presse. « Généralement, les gens qui s’occupent du curatif en ont plein leurs bottes. D’avoir à réfléchir à la question de la prévention en plus, ce n’est pas une excellente idée. Et ça risque de coûter cher à notre jeune population. Ça nous inquiète. À la Santé publique, nous sommes très préoccupés par les plus jeunes, parce que c’est là que se construit toute la personne. »

« C’est comme si on demandait aux orthopédistes de s’occuper, en plus, des routes dangereuses pour éviter les accidents », résume-t-il.

Les programmes de prévention, souligne le DBonnier-Viger, ne s’adressent pas nécessairement aux enfants qui sont sous la tutelle de la DPJ. « Ce sont des programmes de base, pour des personnes qui n’ont pas nécessairement de problème. On essaie justement d’être en amont des problèmes. »

Le ministre Carmant plaide avoir augmenté de 20 millions le budget des programmes OLO et SIPPE, qui n'avait pas été revu depuis plusieurs années. « Et malgré ces sommes, on n'a pas plus de gens qui interviennent de la part de la santé publique », dit-il.

Confier un mandat préventif à la même personne qui gérera tout le système des urgences sociales n’est pas une bonne idée, acquiesce une source qui connaît le dossier sur le bout de ses doigts, mais qui a préféré ne pas être citée parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias. « La cohabitation entre le préventif et l’urgence, ça se fait toujours aux dépens de la prévention. On ne peut pas faire les deux en même temps », estime cette source.

La commission Laurent, qui avait recommandé dans son rapport préliminaire la mise en place d’une Direction nationale de la protection de la jeunesse, n’avait pas précisé cette autre partie du plan, souligne-t-elle. « C’est vraiment une drôle d'architecture. »