(Toronto) Plus de 3 milliards ont été versés aux victimes des tristement célèbres pensionnats fédéraux pour Autochtones, indique un rapport publié jeudi.

Le rapport final du comité de surveillance de tout le processus d’indemnisation, qui a débuté en 2007, donne un aperçu complet des efforts visant à réparer les torts infligés à des générations d’enfants autochtones. De nombreux jeunes autochtones ont été victimes de violence sexuelle, physique ou psychologique dans un système conçu pour « sortir l’Indien de l’enfant ».

« Parfois dès l’âge de trois ans, des enfants étaient arrachés à leur foyer et à leur communauté pour être placés en pension », lit-on dans le rapport. « Aux yeux des anciens élèves, le système était profondément négatif et a laissé une marque indélébile sur eux-mêmes, sur leurs familles et sur leur culture. »

Les premiers pensionnats pour Autochtones au Canada ont été créés dans les années 1820 ; le dernier a fermé ses portes en 1997. En tout, environ 150 000 enfants des Premières Nations ainsi que des enfants inuits ou métis y ont été emmenés.

Le régime d’indemnisation approuvé par le tribunal, connu sous le nom de Processus d’évaluation indépendant, est né d’un règlement global de plusieurs actions collectives, en 2007, impliquant des survivants, le gouvernement fédéral et les églises qui tenaient ces pensionnats. Les demandeurs avaient droit à un maximum de 275 000 $ chacun, en fonction « des mauvais traitements subis et des préjudices qu’ils avaient entraînés ».

En tout, 38 276 réclamations ont été reçues ; c’est en Saskatchewan qu’on a enregistré le plus grand nombre de demandeurs. Les adjudicateurs ont finalement accordé 2,14 milliards en indemnités à 23 431 demandeurs, alors que 4415 demandeurs ont été indemnisés directement par le gouvernement fédéral.

Au total, Ottawa a payé 3,23 milliards en indemnisations et autres frais, selon le rapport de 115 pages. Le processus lui-même a coûté 411 millions de plus.

Le rapport décrit par ailleurs les « manquements » commis par certains avocats, qui considéraient le processus de réclamation comme un moyen d’encaisser sur le dos de leurs clients déjà victimes. Dans un cas, par exemple, plusieurs plaintes, notamment au Barreau, ont incité les tribunaux à interdire à un avocat de Calgary et à son cabinet de représenter plus de 5600 clients. Un autre avocat a été radié pour avoir prétendument facturé à ses clients, de manière illicite, près d’un million de dollars.

« La plupart faisaient preuve de diligence, ne ménageaient pas leur peine et suivaient leur code de déontologie à la lettre. Quelques-uns commirent toutefois des fautes suffisamment préoccupantes pour que le Comité de surveillance, l’adjudicateur en chef, les associations d’avocats, les barreaux et les tribunaux fissent preuve d’une vigilance permanente », lit-on dans le rapport du comité de surveillance.

Des contestations

Le processus de réclamation lui-même a également donné lieu à plusieurs longues batailles judiciaires, dont une sur la question de savoir si les renseignements sur les demandeurs individuels et leurs histoires devraient être détruits par la suite. On a finalement décidé que l’adjudicateur en chef détruirait la documentation après le 19 septembre 2027, à moins que les demandeurs ne veuillent une copie pour eux-mêmes ou la partager publiquement.

Parmi les autres contestations judiciaires, le gouvernement fédéral n’a pas déposé finalement des milliers de pages liées à une enquête criminelle sur le pensionnat St. Anne, à Fort Albany, en Ontario, où des élèves ont été victimes d’horribles agressions sexuelles et physiques, y compris être soumis à une « chaise électrique ».

Edmund Metatawabin, un survivant de St. Anne, a assuré que la lutte se poursuit pour un récit plus complet sur ce qui s’est passé à ce pensionnat ainsi que pour les droits des Autochtones en général. « On ne va pas s’arrêter simplement parce que le Processus d’évaluation indépendant a terminé son travail. »

Maintenant que le processus d’indemnisation est terminé, le comité de surveillance estime que les survivants des pensionnats, leurs familles, leurs communautés et les Premières Nations « n’en doivent pas moins poursuivre leur route sur les chemins de la guérison ».

« Les pensionnats ont encore un impact aujourd’hui, comme l’attestent le faible niveau d’instruction et le fort taux de chômage, de sous-emploi, de problèmes de santé et de suicide observés parmi les enfants des anciens élèves », indique le comité.

« On le voit aussi dans le nombre disproportionné d’enfants autochtones appréhendés par les services d’aide sociale à l’enfance et dans le nombre anormalement élevé de cas où les Autochtones ont affaire à l’appareil de justice pénale. La colère, la toxicomanie, la violence familiale ou sexuelle et la dépression constituent d’autres manifestations des effets durables des pensionnats. »

Note aux lecteurs : Version corrigée. Dans une version précédente, nous écrivions que 38 000 victimes avaient été indemnisées ; il s’agit plutôt du nombre de demandes reçues.