L’influenceur antimasque Daniel Pilon accepte d’être radié à vie de l’Ordre des CPA et de payer 10 000 $ d’amende pour ses « propos indignes de sa profession » en lien avec la pandémie. Mais pas question pour lui de se faire affubler de l’épithète de « complotiste » ou de « conspirationniste » devant son conseil de discipline.

Au terme d’une longue et laborieuse audience jeudi, lors de laquelle l’avocate du syndic a tout fait pour éviter de dire « le mot qu’on ne veut pas prononcer ici », l’influent blogueur a promis jeudi qu’il continuera à dénoncer ce qu’il considère être un « mensonge planétaire » entourant la crise sanitaire.

M. Pilon est une des principales têtes d’affiche du mouvement anti-mesures sanitaires au Québec. Il est suivi par plus de 50 000 personnes sur Facebook. Certaines des vidéos, faites à titre de comptable (CPA) au moment des faits qui lui sont reprochés, ont généré plus d’un demi-million de visionnements depuis le début de la pandémie.

Il y affirmait notamment que Bill Gates veut insérer des puces dans les vaccins contre la COVID-19 pour contrôler la population grâce à la technologie 5G. Il a aussi soutenu que « les Chinois ont créé le virus alors qu’ils avaient déjà le vaccin », dans le but de faire s’effondrer les marchés boursiers.

Ses propos lui ont valu un blâme sévère du conseil de discipline, qui l’a reconnu coupable en novembre dernier d’avoir tenu des propos « indignes d’un professionnel », mais aussi d’avoir exercé des « mesures de représailles » contre une personne qui a demandé à l’Ordre d’enquêter au sujet de ses déclarations. Le blogueur, qui a démissionné de l’ordre professionnel et plaidé coupable, de son propre chef, à une accusation d’avoir entravé l’enquête de la syndic adjointe, a admis avoir « tenu des propos qui manquent de rigueur, de modération, d’objectivité et de professionnalisme ».

Un qualificatif « préjudiciable », plaide son avocat

Son avocat s’est cependant catégoriquement opposé, lors des représentations sur la peine jeudi, au dépôt du rapport écrit d’une experte en désinformation de l’Université Sherbrooke, Dre Marie-Ève Carignan. Cette dernière était appelée à témoigner pour donner une « définition du complotisme », qu’elle décrit comme une croyance « permettant à ceux qui y croient de donner un sens à tout ce qui arrive » et selon laquelle « les évènements sont secrètement manipulés en coulisses par des forces puissantes. »

« Je trouve que ça a un effet préjudiciable », s’est opposé MDury, comparant le qualificatif de complotiste à celui de « délinquant dangereux » qu’on attribuerait à un criminel récidiviste sans se fier sur l’opinion professionnelle d’experts. « On est en train de créer un système où les gens qui sont contre les vaccins, contre les masques, sont des complotistes », a-t-il plaidé.

« [Daniel Pilon] n’a jamais été reconnu coupable d’être complotiste, a-t-il ajouté. C’est [un qualificatif] basé sur des opinions personnelles. »

Après une longue négociation à huis clos, les avocats des deux parties se sont entendus pour écouter le témoignage de la Dre Carignan « en autant que l’experte ne parle pas de complotisme ou de conspirationnisme. » L’experte, directrice de la Chaire UNESCO-PREV en prévention de la radicalisation, a été invitée à s’en tenir à « éclairer le conseil de discipline de l’impact des propos comme ceux tenus par M. Pilon peut avoir sur la population en général. »

M. Pilon en rajoute

Les avocats ont proposé une suggestion commune de sanction pour M. Pilon au terme de l’audience : une radiation permanente de l’Ordre des CPA assortie de 10 000 $ d’amende « pour assurer une fonction d’exemplarité », a expliqué MSarrazin. « M. Pilon se sent toujours investi de cette mission d’éveiller les consciences. Sa démarche n’est pas compatible avec son titre de comptable », a justifié l’avocate.

La présidente du Conseil, Lyne Lavergne, a pris la recommandation en délibéré. « M. Pilon n’a pas l’intention d’arrêter, de sorte que si le coronavirus continue, il n’a pas l’intention de reprendre sa carte de membre » de l’ordre des CPA, a souligné MDury.

Invité à faire une dernière déclaration, M. Pilon a même insisté : la pandémie a été « créée pour instaurer une panique à l’échelle générale. » « C’est très, très, très gros. Ce n’est pas sorti de mon imaginaire », a-t-il dit, soulignant qu’un avocat allemand, Reiner Fuellmich, en a « toutes les preuves » et est sur le point d’enclencher une poursuite « pour crimes contre l’humanité » contre les dirigeants mondiaux et l’OMS, qui ont selon lui élaboré « tout le mensonge planétaire » autour des faux tests PCR qui servent à diagnostique la COVID-19.

« On parle d’un nouveau [tribunal de] Nuremberg. MFuellmich y va pour la long shot », a conclu M. Pilon, qui préfère se voir comme un « résistant » qui fait « principalement un show d’humour » plutôt que comme un complotiste.