Sortant de sa retenue habituelle, le chef des services de renseignement canadiens a montré du doigt la Chine et la Russie comme étant à l’origine d’activités « hostiles » au Canada mardi, notamment l’espionnage sur le sol canadien.

« Ce n’est pas un secret que nous sommes surtout préoccupés par les actions des gouvernements de pays comme la Russie et la Chine », a déclaré David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

M. Vigneault prononçait un discours par vidéo à l’invitation du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, un groupe de réflexion établi en Ontario.

Son insistance sur certains pays en particulier représente un changement de cap. Ces dernières années, le SCRS avait l’habitude de ne pas nommer les États qui lui causent le plus de maux de tête.

Les mots « Chine » ou « Russie » n’apparaissent d’ailleurs pas dans le dernier rapport annuel de l’organisme fédéral chargé de protéger la sécurité nationale du Canada. Dans un discours devant l'Economic Club of Canada en 2018, M. Vigneault avait parlé de la menace posée par « l’espionnage parrainé par des États », sans cibler un pays en particulier.

Plusieurs secteurs visés

Diplômé en science politique de l’Université Laval et de l’Université de Montréal, M. Vigneault affirme que les recherches en santé, en pharmaceutique, en intelligence artificielle, en informatique quantique, en aérospatiale et en technologie océanologique sont particulièrement ciblées.

« Historiquement, les espions étaient concentrés à obtenir les secrets politiques, militaires et diplomatiques canadiens. Si ces secrets demeurent attrayants, aujourd’hui, nos adversaires ciblent davantage la propriété intellectuelle et la recherche de pointe », a-t-il expliqué.

Des entreprises canadiennes, dans presque tous les secteurs de notre économie, ont été ciblées. Elles ont été compromises et ont subi des pertes.

Le directeur du SCRS, David Vigneault

« Le SCRS enquête à ce sujet quotidiennement, d’un océan à l’autre, et à l’étranger », dit-il.

M. Vigneault a aussi parlé de l’ingérence étrangère, notamment en matière d’intimidation d’opposants politiques.

Il a mentionné spécifiquement l’opération Fox Hunt, une initiative visant à rapatrier en Chine des personnes qui ont fui la justice. Décrite par le gouvernement chinois comme une campagne anticorruption, elle est soupçonnée d’avoir été utilisée pour cibler et faire taire des dissidents politiques, a-t-il rappelé.

La Presse révélait d’ailleurs en octobre dernier qu’un suspect arrêté par le FBI et accusé d’avoir participé à l’opération Fox Hunt avait déclaré qu’un fonctionnaire du gouvernement chinois était installé au Canada pour coordonner la campagne d’intimidation clandestine.

Renforcer les défenses

Le patron du SCRS a souligné que la Chine est aussi un partenaire important du Canada à plusieurs égards.

« La menace ne vient pas de la population chinoise, mais plutôt du gouvernement chinois qui poursuit une stratégie pour l’avantage géopolitique sur tous les fronts – économique, technologique, politique et militaire – en utilisant tous les éléments du pouvoir étatique afin de mener des activités qui sont une menace directe à notre sécurité nationale et notre souveraineté », dit-il.

« Nous devons tous renforcer nos défenses », affirme le directeur.

M. Vigneault a aussi traité de la menace de violence extrémiste qui continue de préoccuper les services de renseignement canadiens. Il a notamment évoqué l’attentat ciblant des fidèles musulmans de la mosquée de Québec, la tuerie perpétrée par un « incel » (mouvement extrémiste misogyne) à Toronto, l’action des groupes islamistes comme Al-Qaïda ou le groupe État islamique et l’antisémitisme.