(Montréal) Un groupe d’anciens et d’actuels élèves du secondaire demande au gouvernement québécois de faire adopter une loi réprimant explicitement la violence sexuelle dans les écoles primaires et secondaires.

Le groupe veut notamment que tous les établissements scolaires se dotent de protocoles précis pour s’occuper des incidents entre élèves ou entre une élève et un enseignant ou un autre employé de l’école.

Sophie fait partie de ce groupe. Elle n’avait que 15 ans lorsque son professeur d’histoire a formulé des commentaires sur ses seins devant toute la classe.

Elle a raconté ce qui lui était arrivé à un membre du personnel de soutien de son école secondaire, mais au lieu d’être prise au sérieux et d’obtenir de l’aide, elle s’est fait dire que l’enseignant ne voulait rien dire de mal.

« C’était comme si on essayait de banaliser ma situation et de me dire que je n’ai pas besoin de m’énerver par cela, que je n’avais pas besoin d’être frustrée par ça », relate la Montréalaise, aujourd’hui âgée de 20 ans, qui s’est exprimée sous le couvert de l’anonymat. Sophie est un prénom de circonstance.

« Eh bien non ! Ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal de banaliser cette situation », ajoute-t-elle.

Au ministère de l’Éducation, on affirme qu’il existe déjà un cadre juridique pour protéger les enfants contre la violence.

Mais le groupe juge que ce cadre ne fonctionne pas. Selon lui, les élèves ont trop peur de dénoncer le harcèlement sexuel, la maltraitance ou les agressions dont elles sont victimes.

La campagne pour une nouvelle loi s’est amorcée il y a quelques années, mais elle a récemment pris de la vigueur après une vague de dénonciations publiques a commencé à submerger les réseaux sociaux dans l’ensemble du Québec, en juillet.

Clorianne Augustin, une ancienne intervenante-jeunesse à la Maison d’Haïti de Montréal, s’est impliquée dans ce dossier. Selon elle, les écoles ne prennent pas la violence sexuelle au sérieux.

Elle déplore que les éducateurs ne réagissent souvent pas rapidement lorsqu’une élève dénonce une agression, parce qu’ils sont surchargés de travail, ou ils sont mal à l’aise ou ils n’ont pas la formation nécessaire.

« C’est le jeune qui est pris avec les répercussions psychologiques, note Mme Augustin. Des jeunes m’ont dit :’moi, ça ne me tente pas de retourner à l’école, je n’ai pas envie de marcher à côté de mon agresseur. Je n’ai pas envie de côtoyer d’autres jeunes qui me disent que je n’étais pas supposé de dénoncer mon agresseur’. Toutes ces répercussions sont graves. »

Une porte-parole du ministère de l’Éducation a indiqué que le gouvernement ne prévoyait pas présenter un projet de loi pour traiter précisément de la violence sexuelle dans les écoles primaires et secondaires.

« L’encadrement légal est déjà en place et des protocoles d’intervention en matière de violence, incluant les violences sexuelles, sont déjà exigés aux établissements d’enseignements primaires et secondaires », souligne Esther Chouinard dans un courriel. Elle évoque la Loi sur l’instruction publique qui oblige les écoles de se doter d’un plan de lutte pour prévenir l’intimidation et la violence et soutenir les victimes.

Ce plan rédigé par la direction de l’école doit être approuvé par le conseil d’établissement.

Mme Augustin dit que le système actuel est insuffisant, car les élèves disent qu’il est encore difficile de dénoncer les violences sexuelles parce que le sujet demeure tabou et le personnel scolaire n’est pas formé pour y faire face. « Ça ne marche pas », juge-t-elle.

Le précédent gouvernement libéral avait fait adopter une loi exigeant des cégeps et des universités qu’ils établissent des protocoles contre la violence sexuelle. La loi exige que le personnel soit formé pour répondre aux allégations de violence sexuelle et appuyer les victimes si elles portent plainte.

En janvier, la Commission scolaire de Montréal — aujourd’hui le Centre de services scolaires de Montréal — a adopté des protocoles d’intervention en matière de violence sexuelle dans ses écoles primaires et secondaires.

Elle prévoit notamment former des centaines d’éducateurs qui travaillent en étroite collaboration avec les étudiants « pour accueillir et écouter toutes les victimes de violence sexuelle afin de les orienter vers les ressources appropriées ».

Augustin a déclaré que si les universités et les collèges de la province ont une loi spécifique conçue pour protéger les étudiants, elle ne comprend pas pourquoi les élèves du secondaire et du primaire ne peuvent pas également bénéficier d’une loi.

Pour Sophie, une telle loi permettrait aux élèves de tous âges de se sentir en sécurité dans leur école et de protéger la prochaine génération d’élèves contre le même type d’agression sexuelle qu’elle a subie.

« L’école est ma deuxième maison et j’aimerais m’y sentir en sécurité, dit-elle. J’aimerais que mon jeune frère se sente en sécurité là-bas, et s’il lui arrivait quelque chose, qu’il puisse le dénoncer et se sentir soutenu par la suite. »