Avez-vous répondu au « sondage » lancé par la Ville de Montréal dans le cadre de sa consultation prébudgétaire 2021 ? Il ne faut pas être un expert en finances pour comprendre que les citoyens doivent se préparer au pire. La pandémie a frappé fort. Les contrecoups se feront sérieusement sentir.

Jusqu’au 23 août, le public est invité à répondre à un questionnaire qui précède la préparation du budget 2021. Je vous invite fortement à aller y jeter un coup d’œil. À travers lui, on voit clairement où l’administration Plante-Dorais veut en venir.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, en compagnie du président du comité exécutif, Benoit Dorais, lors de la présentation du budget 2019

D’abord, elle souhaite obtenir du gouvernement du Québec la levée temporaire de l’obligation d’équilibrer son budget. Rappelons qu’une loi provinciale oblige les municipalités à déposer des budgets équilibrés et à ne pas traîner de déficit.

Pour 2021, la Ville de Montréal veut donc déposer un budget dans lequel les revenus seraient inférieurs aux dépenses, comme le font « les gouvernements du Québec et du Canada », tient-on à préciser dans le préambule du questionnaire. On ajoute que cet écart serait rattrapé dans les budgets subséquents.

Au fil des questions, on comprend que les citoyens ont le choix entre une augmentation de la taxe foncière (au-delà de l’inflation) ou une diminution des services. Ou un mélange des deux. Si on opte pour la seconde voie, on nous offre les possibilités suivantes : couper dans le service de police, la gestion des matières résiduelles (nombre de collectes) ou le chargement de la neige. Les répondants peuvent aussi suggérer d’autres secteurs de leur choix.

On est en train de nous dire que nous devons nous préparer à nous serrer la ceinture, mais on dit également aux gouvernements qu’ils doivent envisager de desserrer les cordons du gousset.

Il m’apparaît clair que cette « consultation » a comme but premier de permettre à Valérie Plante de chauffer Québec et Ottawa.

Avant d’aller plus loin, je tiens à dire que je suis pleinement conscient que la situation que connaît la Ville de Montréal, épicentre de la pandémie, est hors du commun. C’est un coup dur pour la métropole. Il faut aussi dire que l’administration Plante-Dorais a fait, dans l’ensemble, du très bon travail, réagissant au quart de tour lors de situations difficiles. Elle a été proactive à plusieurs reprises.

Mais reste que six mois plus tard, l’administration Plante-Dorais fait face à des dépenses inhabituelles et est privée de revenus importants, notamment ceux provenant des transports en commun et du stationnement (cela à cause de la forte diminution des déplacements des travailleurs et de l’élimination importante d’espaces). Il est normal qu’elle tente d’aller chercher de l’aide et de vouloir contourner certaines règles.

Mais là où j’ai un sérieux problème avec ce questionnaire présenté comme un « exercice de démocratie participative », c’est que j’ai l’impression de me faire passer une fausse consultation dont le but est de permettre à l’administration Plante-Dorais d’avoir les coudées franches, afin qu’elle puisse gérer la situation comme elle l’entend et mettre de l’avant, du même coup, son idéologie.

Ce « sondage en ligne » peut être rempli par n’importe qui. Des amis qui vivent très loin de Montréal ont vérifié la chose. La même personne peut également le faire plusieurs fois. J’ai répondu personnellement trois fois au questionnaire. Pourquoi ne pas avoir confié cet exercice sérieux à une firme de sondage ?

Pour toutes ces raisons, ce questionnaire n’impressionne pas une miette Claire Durand, spécialiste des sondages et professeure au département de sociologie de l’Université de Montréal. « C’est une opération de relations publiques, point à la ligne. Ce n’est pas une vraie consultation de la population sur des enjeux budgétaires. On ne vise pas à rejoindre l’ensemble de la population, on ne vise pas un bon échantillonnage. »

Ce questionnaire est biaisé et est souvent incompréhensible. Il est mal publicisé. C’est un exercice inutile.

Claire Durand, professeure au département de sociologie de l’Université de Montréal

Avec son œil aguerri, Claire Durand a attiré mon attention sur le fait que le questionnaire n’est pas offert en anglais. Vérification faite auprès de la Ville de Montréal, aucune version anglaise du questionnaire n’a en effet été prévue.

« Ce sont des gens qui ont établi des politiques et leur manière de consulter les gens, c’est de leur demander s’ils sont pour ou contre telle chose tout en mettant de l’avant les politiques préconisées, reprend Claire Durand. Ça n’a aucun sens. »

En effet, on a parfois l’impression en cochant les réponses qu’on nous demande si on préfère s’abstenir de manger de la tarte aux pommes, du shortcake aux fraises ou… des haricots verts.

« Il existe une règle dans les sondages en ligne qui dit qu’on doit offrir l’option “Je ne sais pas” aux répondants, ajoute Claire Durand. Dans ce cas-ci, on force les gens à choisir une réponse. […] Normalement, cette approche est utilisée par des groupes de pression. Mais que ça soit utilisé par une administration municipale, c’est étonnant. »

Pour Danielle Pilette, professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQAM, le but de cette opération est manifestement d’aller chercher de l’argent pour assurer une vitalité économique et commerciale à Montréal. Je lui ai cependant fait remarquer que cet aspect était peu présent dans le questionnaire.

« Vous avez raison, mais il apparaît plus clairement dans le document prébudgétaire. C’est comme si le sondage ne correspondait pas à un exercice pédagogique. Ça donne l’impression qu’on ne veut pas que les répondants prennent connaissance du document. On s’adresse à deux groupes cibles. Le document est pour les intellectuels et les analystes, et le questionnaire est pour la population. »

Cette spécialiste des finances et de la fiscalité municipales souligne un aspect intéressant de cet exercice. « Le questionnaire s’adresse à toute la population, alors qu’une proportion importante des ménages ne voit jamais un compte de taxes. Il faudrait faire la part des choses. »

Danielle Pilette est également très déçue de la valeur de ce procédé. Pour elle, cela n’offre pas un horizon prometteur. « Je crains qu’au bout du compte la Ville de Montréal ne perde tout ce qui a été gagné durant les dernières années en crédibilité par rapport à Toronto et Vancouver. Je ne suis pas sûre que l’administration municipale de Montréal se compare souvent à ces autres villes canadiennes. On a plutôt tendance à se comparer avec des exemples étrangers qui n’ont pas grand-chose à voir avec nous. »

Justin Trudeau, qui a allégrement plongé dans les fonds publics durant la pandémie, acceptera-t-il d’aider Montréal ? François Legault sera-t-il prêt à voler au secours de la métropole ? Leur aide devra-t-elle être combinée à un effort supplémentaire des propriétaires ?

Malgré la situation exceptionnelle que nous vivons, nous devons continuer à assurer notre rôle de citoyens. Même si l’exercice qui est mené arrive à un moment où l’on préfère être sur un quai ou dans un parc, il faut aller consulter ce questionnaire et lire le document.

Consultez le questionnaire 

Lisez le document « Perspectives budgétaires 2021 »

En quelques dates

Sondage : jusqu’au 23 août

Analyse des réponses : du 24 août au 15 septembre

Dépôt des recommandations au conseil municipal et au conseil d’agglomération : 21 septembre

Dépôt du budget 2021 de la Ville de Montréal : novembre