Salut, Québec ! C’est moi, le printemps ! Je suis présentement en congé. Chez vous, c’est l’hiver. De l’autre côté, c’est l’été. Je me repose avant de vous retrouver. Dans trois mois. Le 20 mars 2021, à 5 h 17 du matin, pour être précis. Je sais, c’est loin. J’ai hâte. Je m’ennuie. C’est pour ça que j’ai eu envie de vous écrire une carte de Noël. Je m’excuse, si elle arrive une journée trop tard. Y paraît que Postes Canada est débordé.

Je voulais vous dire de ne pas lâcher. De vous accrocher. Vous allez y arriver. Mais c’est pas le moment de niaiser. C’est sûr que ça fait longtemps que ça dure. J’ai tout vu ça se produire. En mars dernier, quand je suis arrivé, je vous cherchais partout. Vous n’étiez nulle part. Personne sur les terrasses. Personne dans la rue. Vous étiez tous confinés. Pour la première fois. Vous aviez peur d’y passer. La courbe ne cessait de monter et le moral, de descendre. Pour beaucoup, ce fut leur dernier printemps. Mourir quand la nature revit, c’est pas censé.

Je me souviens. L’inconnu vous terrifiait, il y a neuf mois. Vous ne cessiez de vous répéter ça va bien aller, comme on siffle dans le noir pour se faire croire de fausses histoires. La vérité, c’est que ça n’allait pas bien. Vraiment pas bien. Le virus se répandait. Et beaucoup en crevaient. Il n’y avait qu’un seul espoir : le vaccin. Le fameux vaccin. Même les plus optimistes disaient que ce n’était pas pour demain. Pas avant deux ans. C’est le temps que ça prend. Quand on fait ça vite. Deux ans, peut-être trois, à garder ses distances. À ne pas se rassembler. À rester fermé. C’est long longtemps. Vous étiez découragés.

Mais le printemps, c’est le printemps ! Ça fait son effet. À force de vous réchauffer, de mars à fin juin, vous avez repris des couleurs. Vous avez planté des fleurs. Vous êtes sortis de votre torpeur. Quand je vous ai quittés, vous aviez retrouvé le sourire du déconfiné.

Et l’été est arrivé. Ah, l’été ! Lui, il sait tout faire oublier. Vous vous êtes faits cigales. Vous vous êtes mis à chanter. Pas besoin de festival quand on a la santé. La courbe ne cessait de s’aplatir. Et le monde, d’être moins plate. Vous vous êtes promenés. En Gaspésie. Au Saguenay. Les fourmis parlaient d’une deuxième vague. Mais ça ne vous empêchait pas de vous baigner. En gang.

Arriva ce qui devait arriver. L’automne. Les feuilles mortes et les fax de décès. Les chiffres se sont mis à remonter. On a fermé les restos.

Annulé les shows. Mais continué l’école et le boulot. La priorité, c’est jamais rigolo.

Soudain, y en a qui se sont démobilisés. Qui se sont démasqués. Le malheur, ça finit par lasser. Surtout quand c’est celui des autres. Surtout quand on n’a plus peur que ça devienne le nôtre. Beaucoup ont continué à respecter les consignes. En prenant quelques libertés. Après tout, faut pas virer fou. C’était pas vraiment le moment. C’est pas parce qu’on s’habille en mou qu’il faut le devenir. Mou.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Mais le printemps, c’est le printemps ! Ça fait son effet. À force de vous réchauffer, de mars à fin juin, vous avez repris des couleurs. Vous avez planté des fleurs. Vous êtes sortis de votre torpeur », écrit Stéphane Laporte.

La COVID-19, elle, est restée dure. Très dure. Elle en a profité pour battre tous les records. Ça sert à rien de trouver des responsables. Faut pas toujours pointer le gouvernement. Le gouvernement, il fait ce qu’il peut. Il jongle avec huit millions de destins. Vous, vous avez le vôtre en mains. Et celui de vos parents. Et celui de vos amis. Vous devez y faire encore plus attention que le font les règlements. Les règlements sont là pour sauver le système. Votre jugement est là pour sauver votre vie et celles de ceux qui vous aiment.

Voilà donc l’hiver et le deuxième confinement. Jusqu’à la mi-janvier, au moins. Pas facile à accepter. Finir l’année sans party. Vous êtes démotivés. Mais faut pas abandonner. Sinon, ça risque d’être laid. Très laid.

C’est maintenant que ça se joue. Faut diminuer les contacts. Au minimum. Pour qu’on puisse tous se retrouver quand je vais ramener les oiseaux, le vert et le beau. Bien sûr, tout sera loin d’être réglé. Mais cette fois, c’est vrai, ça devrait mieux aller.

Parce qu’il y aura de plus en plus de vaccinés. En passant, vous auriez pu plus vous réjouir. Crier votre admiration. Leur envoyer tout votre amour, aux grands chercheurs. Les scientifiques ont réussi l’impossible. Trouver une potion magique en moins d’un an. Et vous, vous la jouer désabusés. Il était temps. Y en a même qui hésitent. On n’aime pas les piqûres. Ça va pas ? Levez-vous ! Applaudissez. Les manches retroussées. Bravo, les savants ! Merci de sauver la population planétaire ! Vous étiez plus emballés quand le Canadien a battu les Penguins. Le vaccin, c’est la grandeur de l’intelligence humaine quand elle fait du bien. C’est pas rien. Ça vaut votre reconnaissance éternelle.

Je sais, vous avez les blues. Je sais, les fêtes manquent un peu de folie, mais entre vous et moi, la nouvelle année, elle ne commence pas vraiment le 1er janvier. Elle commence avec moi ! Le cycle des saisons, c’est printemps-été-automne-hiver. Pas le contraire. Alors, attendez-moi pour faire la bamboula. Bien sûr, il faudra encore se contenir. Mais les bulles risquent de s’agrandir. Bref, le meilleur est à venir !

Je vous souhaite une année pleine de retrouvailles. Une à une. Petit à petit. Jusqu’à la fin des interdits. Et un très joyeux Noël 2021 !

Signé : le printemps qui vous attend.

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